Deon Meyer vit désormais à l'écart, dans le désert de Karoo, sans télévision ni internet. Pour un ancien consultant en informatique, la démarche semble surprenante, mais s'éclaire à la lecture d'A la trace, son polar le plus ambitieux à ce jour (pas le plus jouissif, hélas), dans lequel les nouvelles technologies jouent un rôle prééminent, traquant les moindres faits et gestes de tout un chacun. Construit de façon plus élaboré que ses romans précédents, le livre raconte quatre intrigues successives, avec des protagonistes différents, qui ne seront reliées entre elles qu'in extremis, dans une conclusion hâtive et frustrante. D'autant plus regrettable que l'on retrouve par ailleurs le Deon Meyer que l'on apprécie : un style sec et sans fioritures, un récit aux ramifications complexes qui emprunte à plusieurs genres : aventure, espionnage, policier, une approche psychologique fouillée de ses personnages et, last but not least, un tableau réaliste de la situation socio-politique d'une Afrique du Sud loin d'avoir réglé ses problèmes de violence (euphémisme) et de tensions raciales (évidence). Sur plus de 700 pages, le canevas que Meyer a tissé présente quelques faiblesses et plusieurs chutes de rythme (les pages consacrées à la menace terroriste tirent en longueur). C'est quand il revient à l'enquête pure, dans sa dernière partie, qu'il est le plus brillant, irrésistible dans le crescendo dramatique qu'il impose. D'une grande richesse thématique, son polar déconstruit atteint en grande partie son objectif -il ne se lâche pas facilement- mais ne fait pas oublier quelques uns de ses livres précédents, certes bien plus classiques et directs, mais d'une limpidité narrative parfaite.