Ce récit part d'une très bonne idée bien que déjà exploitée (dans Lanfeust de Troy, notamment) : moins les Dieux ont de fidèles, plus ils sont voués à disparaître physiquement. Je trouve malheureusement que le thème n'est pas assez développé et le lecteur se retrouve avec sur les bras les errances des personnages, ce qui rend le texte parfois décousu (mais n'est-ce pas le propre de l'errance finalement ?). En parallèle, on assiste à un affrontement entre les divinités spirituelles moribondes et les divinités matérielles sûres de leur force. Le lieu de l'affrontement est judicieux : les Etats-Unis symbole du capitalisme, mondialisme etc., à la fois Nouveau monde pour de nouvelles divinités et Terre d'accueil des anciennes divinités fatalement déracinées. Le pied posé sur le sol américain, c'en est fini d'eux, réduits à des tours de passe-passe pour survivre ou de conduire des taxis.
Les pistes d'analyse sont nombreuses pour ce roman qui se lit agréablement mais on peut peut-être regretter l'absence presque retentissante de la mythologie amérindienne qui ferait un excellent contrepoids aux agonies des religions européennes, africaines ou asiatiques. A ce propos, Ombre est une figure intéressante puisqu'il tient à la fois du christ crucifié et du totem, entre autres interprétations.
A côté de ça, certains personnages ou résolutions d'intrigues viennent un peu comme des cheveux sur la soupe. C'est un peu dommage même si le talent de conteur de Gaiman compense un peu cela.