American Mother est un livre intense.
D'abord parce que la situation qu'il évoque est dramatique : la décapitation en 2014 du journaliste freelance James Foley par des terroristes islamistes de Daech, une exécution immonde livrée en pâture aux réseaux sociaux.
Ensuite parce que ce témoignage de sa mère révèle une femme exceptionnelle ayant accepté de rencontrer l'un des assassins de son fils et, portée par une foi profonde, a réussi à lui pardonner son acte monstrueux. Elle a essayé de comprendre l'incompréhensible et représente une sorte de sommet civilisationnel face à la barbarie de l'idéologie islamique.
Ses propos ont aussi été retranscrits par l'écrivain Colum MacCann, auteur du percutant roman Les saisons de la nuit sur les égoutiers new yorkais faisant parfois le sacrifice de leur vie pour donner à la ville son métro. Il a fait ce qu'il y a de plus difficile : s'effacer pour donner une voix authentique à l'autre qu'on assiste sans s'imposer.
Le témoignage s'ouvre et se referme sur la rencontre entre la mère de James Foley et Alexanda Kotey, celui qui a participé au meurtre et a écrit les demandes de rançon et la lettre que James Foley a dû lire avant d'être exécuté, accusant les États-Unis de massacres d'innocents pendant les guerres au Moyen Orient. Au début, l'entretien est raconté comme presque tout le livre à la première personne, celle de la mère. Mais à la fin, MacCann emploie la troisième personne et raconte le dernier entretien entre la mère et le terroriste après le procès.
Diane Foley est une femme simple, courageuse, volontaire, optimiste et animée par une belle foi, elle n'est cependant pas un écrivain ni une intellectuelle et parfois on peut regretter certaines maladresses, certaines naïvetés ou son côté assez terre à terre même si on entend et respecte sa voix que l'écrivain laisse s'exprimer. Quand c'est MacCann qui s'exprime, on est ébloui par la force de son langage pour exprimer l'exceptionnelle rencontre entre la mère et le bourreau repentant de son fils qu'elle aborde comme un acte très naturel mais qui ne l'est pas tant que ça.
De cette rencontre, il semble ne résulter presque rien, quelques excuses, quelques remords pour toutes ces vies brisées, pour les guerres qui déshumanisent, mais peut-être en ressort-il l'essentiel, exprimé dans une chanson écoutée par cette femme qui porte l'humanité parce qu'elle ne la dénie pas même au pire serviteur du Mal : « Il y a une fêlure, une fêlure en toutes choses, c'est par là que passe la lumière. »