American Psycho est le genre de roman que vous ne lâcherez pas pendant 3 jours, pour qu'il ne vous lâche plus pendant 3 semaines. Il provoque une terreur comparable à celle du Loup de Wall St (dont je soutiens qu'il est le film d'horreur le plus terrifiant que j'aie vu), soulignée par des moments de rire coupable, dus à des répliques d'un cynisme véritablement drôle.
Vous vous précipiterez pour avaler ces 500 pages qui filent, la structure en boucle, linéaire aidant, formant une sorte de leitmotiv hypnotique. Je ne vois pas de vraie rupture vers la fin, pas de descente aux enfers particulière, une écriture plus hachée peut-être, même si la violence des meurtres s'accroît pour atteindre un climax avec le passage des deux blondes qui a visiblement fait perdre le fil
(dentaire)
à plusieurs. On a en effet atteint une apogée avec la perte de sens de ce que signifie un être humain
(le sang et l’urine bues, les intestins dégustés)
. A peu près aux trois quarts du livre, les éléments qui ont fait les récurrences de l'oeuvre tendent à disparaître, faisant des apparitions disparates (je parle du J&B on the rocks, des chemises Brooks Brothers, les blondes à gros nénés et au superbes culs, les cheveux du narrateur et de son obsession (amusante quand on lit le livre en 2017) pour Donald Trump). La narration tend à être légèrement plus enchevêtrée vers la fin, mêlant réalité et réflexions sur le sens de la vie, assez sensées et belles à mon goût.
Une critique du capitalisme et de la société de consommation, voire même des yuppies, est évidemment au premier plan de l'oeuvre, mais il serait intéressant de noter que le cynisme du groupe social de Bateman est le vrai obstacle à leur communication. Ainsi, il se permet de leur avouer à multiples reprises sa névrose et ses fantasmes en sachant qu'ils le prendront au premier degré - voire qu'ils y sont totalement indifférent -, ce qui donne lieu à des dialogues assez comiques du style:- J'ai envie de découper Evelyn et la donner à manger au chien, dis-je d'un air las. - Oui, mais à part ça, insiste Craig, impatient.
Ceci est aussi visible par les descriptions complètes et ultra-référencées sur parfois 20 lignes de ce que chacun des collègues porte, mange. Le narrateur fait aussi 3 chapitres-critiques de musique (par exemple une critique sur 6 pages du groupe Genesis, que l'on pourrait éventuellement retranscrire sur SC sous le pseudonyme de Pat Bateman).
Certains se sont plaint de la longueur du livre, mais je la trouve essentielle: American Psycho est avant tout un roman d'ambiance, d'autant plus qu'il se lit rapidement. Bret Easton Ellis brosse un portrait extrêmement pessimiste et traumatisant de la société américaine qui ne s'est pas démenti, 25 ans après sa parution. Je ne parviens cependant pas à lui attribuer plus que 7, l'auteur restant vague quant à ses intentions et ferme sur ses positions littéraires (plus rien ne surprend sur la forme après les 3 premières pages). De plus, le livre peut ne pas plaire. Des critiques de la société de consommation américaine, il suffit de toquer chez Mélenchon pour ça...