J'ai tenu. Je suis allée au bout de ces 500 pages alors que j'avais décroché au bout d'une centaine. J'ai tenu pour juger l'oeuvre dans son ensemble, pour essayer de comprendre l'intérêt pour ce livre et je l'ai presque compris. Presque.
L'écriture froide, presque chirurgicale, colle à ce tueur pire que mauvais, pire que cynique, impitoyable et imperturbable, autant que le milieu dans lequel il évolue. Toutes les conversations sont des monologues. Tout le monde parle tout seul, égoïste, au milieu du brouhaha d'une vie qui n'est que restaurants gastronomiques, american express, rolex et cravates griffées.
Si comme je l'ai si souvent lu le livre est un portrait d'une époque, capturée dans ce qu'elle a de plus froid et violent, il (le portrait pas le livre) est sûrement réussi. Mais pourquoi l'avoir enrobé dans un tel blabla ? Comment lire, page après page, la description détaillée de la tenue vestimentaire de Pierre, Paul, David, Greg, Lauren, Jacques et leurs petits amis ? Comment lire (et prendre au sérieux) des phrases comme "Tu ne peux pas savoir depuis combien de temps j'attends cet instant. Depuis ce réveillon de Noël à l'Arizona 206. Tu sais, celui où tu portais une cravate Armani à rayures rouges et imprimé cachemire" - sans avoir l'impression de déchiffrer un panneau publicitaire ?
Le Patty Winters Show, l'expression "gros nénés", les mots en Italique (Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas si ça ne vient que de mon édition du livre, mais c'est très agaçant), et les noms de marques me sortent par les yeux (de même que mes globes oculaires rattachés seulement à mes orbites vides par un nerf une fois arrivée au bout de ces 500 - longues, très longues - pages). Je suis fatiguée aussi de lire et de relire le nom de Donald Trump, d'entendre parler des Misérables et des longues conversations pour déterminer dans quel restau réserver ce soir-là.
Ce livre est un éternel recommencement, mais pas dans le bon sens du terme. Chaque page que je lis me rappelle la précédente, les ingrédients principaux sont repris à chaque fois. Le phrasé hâché fait transparaître une certaine nervosité dans l'écriture. Parfois prenante, souvent surjouée. Révélatrice d'un style finalement assez pauvre. Une histoire intéressante enfermée dans une écriture très américaine, très moderne, et qui en ressort creuse. Et les longues digressions sur la musique de l'époque n'aident pas. Bret Easton Ellis tartine, retartine et reretartine. Plus c'est long, plus c'est bon ? Pas ici. Au moins, les scènes de meurtres immondes prennent au bide, et on ressent quelque chose.