Je ne pense pas qu’un roman doive être pertinent, original, novateur, ni même cohérent.
En revanche, je pense qu’un roman doit être utile. Pour moi - et c’est triste à dire, considérant l’admiration que je porte à Houellebecq - Anéantir est un livre inutile.
Je ne crois pas non plus que ce soit une œuvre-somme comme beaucoup l’ont dit. C’est surtout une œuvre fainéante, qui ne termine jamais les lignes narratives entamées, qui se perd en circonvolutions bavardes et parfois assez prétentieuses et qui, bien loin d’avoir la force percutante de l’anéantissement, est une longue entreprise d’aplanissement : de ses thèmes, de ses personnages, et en fin de compte des émotions qu’elle tente de faire ressentir à son lecteur.
Houellebecq ne semble pas avoir conscience (ou peut-être en a-t-il parfaitement conscience et ne veux/peux plus faire que ça) que le nihilisme qui l’a rendu célèbre au début de sa carrière pour son caractère subversif le rend surtout bankable, aujourd’hui que ce nihilisme n’a plus rien de mordant et qu’il est devenu un argument commercial.
En somme Houellebecq fait du Houellebecq : commentaire facile d’une actualité réelle à peine voilée, scènes de cul sans saveur, tendresse désillusionnée sur la morosité de l’existence… ce n’est pas que tout cela soit connu qui me semble problématique, mais c’est qu’il ne paraît lui-même plus vraiment y voir autre chose qu’une nécessité d’écriture pour attirer un lecteur comme une papillon de nuit vers un néon.
Tout ce qui a fait Houellebecq est là, mais sans saveur et on sort du roman le plus long de sa carrière en ayant la sensation d’être passé par un fast-food.
On est très loin du retournement artistique voir existentiel qu’avait pu provoquer La Possibilité d’une Île.
C’est peut-être le drame des artistes qui ont accouché de leurs chefs-d’œuvre trop tôt.