Qu’attend-on d’un écrivain ? Qu’il nous élucide le monde ? Qu’il nous révèle ses aspects cachés ou impensés ? Qu’il partage avec nous sa vision du monde, soit optimiste, soit pessimiste ?
Dans ce cas Houellebecq remplit bien le rôle qu’on lui assigne.
Même si la forme est un peu trop classique ( l’auteur nous ayant fait connaître mieux par exemple dans La carte et le territoire) « Anéantir » est un roman-fleuve qui semble nous livrer le monde tel qu’il est, avec ses lourdeurs, ses surprises, ses vérités pas toujours faciles à affronter. Un roman de la vie en quelque sorte. Une vie ni plus palpitante ni moins attendue que celle que nous vivons tous les jours. Là est la force de ce roman qui colle au plus près du réel.
Un homme moyen, plus à l’aise dans les seconds rôles, sans grande ambition mais quand même intéressé par une certaine « réussite », dans une famille normale, avec ses petits secrets, ses petites rivalités, ses petits et grands drames, ses petites et grandes joies, au sein d’un couple moyen, surmontant des difficultés rencontrées par la majorité des couples et avec des questionnements banals sur le sens de l’existence, sur le rôle de l’amour, voilà le personnage principal du roman.
Cet homme traverse sa vie, rencontrant des médiocres ( beau personnage de journaliste woke malfaisante) ou des hommes d’exception ( très beau personnage de Bruno, ministre de l’économie et lettré), vivant des aventures parfois banales parfois rocambolesques ( Houellebecq se payant le luxe d’un mini-roman policier gigogne assez prenant au sein de son roman existentiel…) pour enfin se trouver confronté à sa propre finitude au sein du système médical décrit avec une grande précision. Le tout ponctué – on est quand même avec Houellebecq… - par la vie sexuelle très narcissiquement mâle du personnage fantasmant sur des mini-short et quelques petites méchancetés bien senties sur les hypocrisies sociales ou les dérives woke et extrémistes.
Peut-être pas un grand roman mais un roman très représentatif d’une fin de civilisation qui « déconstruit » tout ce qu’elle s’est efforcée à construire pendant des siècles et où la croyance religieuse apparaît comme une bizarre survivance vue avec nostalgie d’une époque où l’homme était plus que ce qu’il est devenu.
Une lecture que je conseille, sauf aux dépressifs, bien entendu.