Lu en Avril 2020. 9,5/10
Avant tout, je dois dire que je n'ai pas lu la version originale de Sophocle.
Cette œuvre, je l'ai découverte il y a presque 4ans alors que j'étais en 3ème. J'avais le mythe plutôt bien en mémoire quand j'ai décidé de relire la version d'Anouilh hier. Le contexte de l'occupation m'était aussi familier mais dans mes souvenirs il s'agissait d'un véritable œuvre résistante, c'est loin d'être aussi simple.
Ainsi, nous retrouvons la jeune Antigone, pleine d'idéalisme qui refuse l'idée que son frère Polynice puisse ne pas être enterré. Elle a tout pour être heureuse avec Hémon (son fiancé) mais une seule chose compte, le respect absolu de son frère érigé en traître, tandis que Étéocle, l'autre frère a été érigé en héros national de Thèbes.
C'est peine perdu car la garde ,quoique dilettante, « veille au grain ». Elle est emmenée telle une « bête sauvage » devant le Roi Créon, son oncle. S'ensuit le cœur du récit, l'opposition idéologique entre le Tyran qui ne voulait pas l'être mais qui accepte son rôle et la révoltée, qui n'a que son cœur pour guide, la raison ne lui est plus accessible.
Et force est de constater qu'il est plus difficile qu'il n y paraît que de s'attacher au camp du bien, de la morale humaniste que symbolise Antigone. Car Créon n'est pas fondamentalement mauvais. Il endosse un costume de chef d'état, il fait de la politique comme elle a toujours été et est toujours : elle doit désigner des gentils et des méchants. C'est la pessimiste voix de la raison à laquelle Antigone reste complètement imperméable, aveuglée par une quête peut-être excessive de justice. Et ici il faut dire que l'opinion d'Anouilh est ambigu, mais plus que tout, il n'est pas moralisateur (et ça me plaît beaucoup). Difficile de savoir qui a fait le bon choix. On peut par contre rendre état de la situation finale : Le bonheur est un espoir bien peu réaliste dans notre monde. La loi est la loi, qu'elle soit juste ou non ceux qui la braveront mourront. Et la mort des êtres chers n'est finalement qu'une « rude journée » en temps de guerre.
D'un point de vue stylistique maintenant, j'ai particulièrement apprécié la sobriété des décors. Cela couplé aux didascalies précises (qui sont critiquées par les détracteurs de l’œuvre) et aux descriptions très imagées des personnages m'a permis de parfaitement me les représenter.
L’œuvre se lit en une heure, est d'une grande accessibilité et est aujourd'hui considérée comme classique :j'approuve parfaitement.
« Moi je ne veux pas comprendre un peu »
« La vie n'est pas ce que tu crois. C'est un eau que les jeunes gens laissent couler sans le savoir, entre leurs doigts ouverts »
« Créon : Ce qu'il faudrait c'est ne jamais savoir. Il te tarde d'être grand, toi ? Le page : Oh oui, monsieur ! Créon : Tu es fou, petit. Il faudrait ne jamais devenir grand. »