Premièrement, je ne connaissais pas Sophocle. Son drôle de nom, pour un auteur français du 21ᵉ siècle, me soutenait un attrait bien singulier.
Rares sont les écrivains modernes qui subjuguent d'une telle manière mes émois. Ils emberlifiquent, galèjent, s'égosillent, au nom du « style ». Tout pour « le staïle », rien pour le public.
C'est au nom du « staïle » que s'impose inéluctablement la putasserie. Entendons-nous bien, je ne rechigne pas contre la Prostitution en tant qu'art figuratif du Sexe que je m'obstine à croire noble et mystérieuse. Ici, je m'insurge plutôt contre la prostitution infiniment plus basse de l'Esprit.
En d'autres termes, la Muse concave adorée – et pis encore, normalisée – des journalistes ou romanciers, ces dilettantes qui s'illustrent dans les chaînes télévisées, qui beuglent leur « staïle », qui montrent partout leur embonpoint suffocant sous leur chemise à pois, pour empuantir la littérature. Des petits corbeaux, noirs, noir comme le sont les prisons, accompagnateurs des aéronefs dedans lesquels la Beauté humaine sans boussole navigue éperdument vers les ouragans.
Je me plus à procurer « Antigone » de Sophocle, pour la simple et bonne raison que j'avais bien aimé son original : « Antigone » d'Anouilh. J'ai osé espérer que le remake de Sophocle respecte son prédécesseur. Me voilà lamentablement trompé.
Celui d'Anouilh est foncièrement politique, Antigone est attachante, car profondément humaine, c'est-à-dire basse et en même temps haute, une amazone qui combat les nazis. Les nazis, c'est mal.
Je pourrais citer des tonnes de fragments pour orner les raisons de lire la version d'Anouilh si la vie était moins courte. Mais ce n'est pas le sujet.
Chose frappante dans le remaster de Sophocle ; où sont les nazis ? À quel moment Sophocle critique l'État totalitaire ? À quel moment on voit une Antigone brandissant à brûle-pourpoint son âme contre l'armée hitlérienne ? Pire encore, l'Antigone de Sophocle est pro-nazi en ceci qu'il est possible de transposer sa piètre voix avec celle d'Ismène, que je cite : « Je cède la force, je n'ai rien à gagner à me rebeller » (citation venue de Wikipédia, hors de question que je lise l'œuvre d'un nazi).
Je crois profondément à la célèbre maxime de Furetière, devenu aujourd'hui lieu commun : « Qui se tait, consent ». Sophocle aurait pu Dire, mais se tait, aurait pu chanter, mais consigne, aurait pu sonder, mais polissonne. Nulles improbations, nulles révoltes, son œuvre n'est qu'un colifichet ronéoté de vide en agrégat. En ce sens, Sophocle est équivalent à l'ère moderne : un agrégat de Vide.
En conclusion, je me résigne moi aussi à manquer de substances littéraires ; ainsi je déclare que l'auteur d'Antigone a uniquement de similaire le copiage de titre (pour surfer sur le buzz ?) du père Jean Anouilh, rien de plus. Je l'accuserais même de provocation à user le symbole anti-nazi d'Anouilh pour en faire, par voie de conséquence, une propagande au mieux collaborationniste, au pire, nazie.