C’est en puisant dans ses archives familiales, que Gabriella Zalapì signe un premier roman envoûtant. « Antonia. Journal 1965-1966 » retrace le combat d’une femme pour sa liberté.
Dans une interview au magazine Le Temps, lorsqu’on lui demande l’origine du roman, Gabriella confie : « Il y a trois ans, j’ai reçu un coup de téléphone d’un musée autrichien qui voulait reconstituer des biens spoliés à mon arrière-grand-père, pendant la Seconde Guerre mondiale. Cet arrière-grand-père, Vati, juif autrichien, était collectionneur d’art. Le musée nous demandait de fournir quantité de documents. J’ai dû me plonger dans les archives familiales, ce que je n’avais jamais fait jusque-là. Parmi les lettres, les papiers, les photos a émergé la vie d’Antonia que je ne connaissais pas ou plutôt dont je ne connaissais pas les deux années que je raconte dans le livre. Elle m’a immédiatement intriguée. »
- Le personnage du livre est-il proche de la réalité ?
« L’Antonia du livre est un personnage que j’ai construit en mêlant fiction et faits réels. »
- Comment est venue l’idée d’écrire un journal ?
« … Il fallait que j’écrive à la première personne. En même temps, j’avais envie d’écrire en fragments. Je voulais imiter la façon dont la mémoire opère. Elle surgit puis disparaît pour réapparaître quand on ne s’y attend pas. Le journal est parfait pour imiter ce processus. Le journal permet aussi de ne pas tout dire. Dans tout mon travail, je tiens à laisser une place au spectateur ou au lecteur pour qu’il puisse se raconter sa propre histoire. »
Ainsi va Antonia, jeune femme pas encore trentenaire, épouse de Franco, un bourgeois Sicilien, dont on ne saura jamais quelles sont les véritables occupations, et qu’elle n’aime pas : « Il n’y a plus d’oxygène entre lui et moi. Nous n’avons aucun endroit où mettre nos pensées, nos idées, nos désirs en commun. » Pourquoi l’a-t-elle épousé ? Elle le consigne froidement dans les pages de son journal : « Franco est un homme tiède, sans courage. Sa vie s’étend sur quelques mètres carrés. Parler avec lui c’est restreindre mon horizon, restreindre mon vocabulaire, restreindre mon imaginaire. Franco porte une minerve qui l’empêche de regarder à gauche et à droite, et moi une camisole de force de “perfect house wife”. Où allons-nous ainsi ? » Elle a eu la sottise de faire rapidement un enfant, confié à une nurse, mais qu’elle n’arrive pas à aimer non plus. Elle traine son oisiveté et son ennui en se demandant quoi faire : « Je dois tuer en moi la passivité, je dois tuer en moi ces réflexes de femme soumise, je dois tirer un coup de fusil sur mon immobilisme. Ma parole n’a aucune importance. »
La grand-mère d’Antonia, Nonna, la seule personne qui lui ait jamais témoigné de l’amour, en mourant, lui a légué une multitude de cartons contenant des souvenirs de famille, vieilles photographies, carnets, lettres… Et, par oisiveté et pour combler le vide de sa vie, Antonia, à longueur de journée va fouiller ces archives et nous faire part de ses trouvailles. Comme, par exemple, ce petit livre qui recèle « … toutes les qualités dont une femme, à la fin du siècle dernier, devait être dotée pour retenir l’attention des hommes. Il fallait qu’elle ait de la noblesse d’âme, un cœur affectueux, une capacité d’abnégation ; qu’elle soit modeste, constante, courtoise, spirituelle, charitable, simple, bonne, raisonnable, sincère, douce, tendre. » Elle va bien rire en montrant ce livre à une amie… mais son rire n’est-il pas un peu forcé ?
Embourbée dans une famille qui croise la haute société anglaise, viennoise et italienne, Antonia va-t-elle réussir, petit à petit, à rompre les brides pour enfin se redresser, se tenir debout ?
À vous de voir !

Philou33
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le 17 mars 2019

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