On a écrit qu'il était le cinéaste de l' « incommunicabilité », jusqu'à l'enfermer dans cette étiquette (le drame des étiquettes : alors même que l'« incommunicabilité » ne fausse en rien l'une des tendances, effectivement, de ce cinéma, voire le caractérise assez bien me semble-t-il, l'adjectif est devenu à présent, à force de répétition, un repoussoir). Aldo Tassone rend néanmoins au cinéma d'Antonioni toute sa complexité fascinante et parfois intrigante dans ce livre-somme, exemple enjoué de « science amoureuse », de gai savoir, où à l'anecdote et aux témoignages biographiques se mêlent des études complètes et très étayées (notamment par des citations des critiques contemporaines aux œuvres) de l'ensemble des films du réalisateur italien de l'Avventura et du Cri. L'auteur propose également la rencontre du peintre, de l'écrivain et du critique de cinéma dans des chapitres très intéressants, ainsi qu'un entretien inédit.
C'est le portrait entier d'un homme qui se dessine, d'un contemporain fondamental, derrière lequel se profile alors un analyste sensible (bien davantage que nombre de philosophes actuels) des sentiments contemporains, des conduites humaines. Personnellement, je ne partage pas toujours l'avis d'Aldo Tassone sur le cinéma d'Antonioni (son goût pour Désert rouge par exemple... Il me semble qu'en vérité, plus le réalisateur italien va vers l'abstraction, à mesure que les années passent, moins son cinéma touche pour de bon), mais le biographe, malgré l'aspect personnel de son ouvrage (c'est en essayiste et en ami qu'il peint Antonioni) nous livre toujours ses sentiments sans nous les imposer. A chacun, dès lors, de faire son propre bouquet, et de constituer "son" Antonioni qui lui correspond...