Ouvrir un Michel Quint c’est avoir la certitude de passer un bon moment. Son écriture raffinée, ses métaphores originales et cinglantes, ses images d’une autre époque*... tout concourt à créer une atmosphère et un réel moment de plaisir littéraire.
Né dans le Nord, Michel Quint y installe tout naturellement sa librairie, ce havre de paix hors du temps, lieu d’apprentissage, de partage et de fraternité. Ses personnages sont touchants et forts comme les gens du Nord. Entêtés, ils ne s’avouent pas facilement vaincus et sont prêts à transporter des montagnes pour honorer une promesse, un engagement. C’est exactement ce que va faire Abdel quand il apprend qu’Yvonne lui lègue sa boutique. Sans réfléchir aux conséquences, il accepte car ce n’est pas seulement une vieille librairie endettée, c’est sa maison, son passé et la mémoire du quartier. Il ne sait pas encore à quel point.
J’ai pris un immense plaisir à lire ce court roman. Pour la langue bien sûr, pour l’atmosphère que sait si bien créer Michel Quint mais aussi pour les relations que les personnages nouent entre eux, laissant perler la tendresse ou la tension, l’irritation ou l’attendrissement. Des relations vraies, brutes, entières de toute façon.
J’ai aussi découvert un pan de l’Histoire de France que je ne connais pas. D’abord parce que je n’étais pas née dans ces années-là, ensuite parce qu’en tant que Belge, je n’en ai pas entendu parler dans mes cours d’Histoire. Mais je pense que les Français non plus. L’immigration algérienne consécutive à l’indépendance, les tensions entre harkis et membres du FLN, les factions de l’OAS... tout cela ne doit pas faire partie du programme scolaire.
Michel Quint fait vivre sous nos yeux une région sinistrée où le chômage explose mais où la générosité et l’humain ne sont pas des mots creux. Et cette histoire toute simple, nous transporte, nous tient en haleine et nous émeut. Son roman sonne comme une claque sa lutaire.
C’est aussi une magnifique plongée au cœur du monde des livres, un hymne à l’amour aux libraires, aux librairies, à la littérature et à tout ce qu’elle peut apporter « Tu as l’âge de souffrir à cause des livres, désormais. » "Les livres, c'est comme les chats, on habite chez eux, pas l'inverse."