Pour entrer sans heurt dans la lecture de ce nouvel opus mi-pamphlétaire mi-scientifique d’Emmanuel Todd, mieux vaut admettre d’emblée comme postulats quelques propositions qui resteront, du point de vue de l’auteur, de l’ordre de l’évidence intuitive : l’élection de Sarkozy est une catastrophe nationale ; les difficultés économiques de cette époque trouvent leur origine dans le libre-échange ; l’athéisme est la seule position métaphysique raisonnable - pour n’en citer que quelques unes. Tout à la fois démographe, historien et anthropologue, Emmanuel Todd ne se laisse contraindre par aucun carcan méthodologique - ce qui fait son charme pour ses admirateurs, qui se souviennent qu’il a ainsi été le premier en France à prévoir la chute de l’empire soviétique. Et l’on retrouve en effet dans ce petit livre quelques précieuses analyses de données délaissées par les politologues, comme l’évolution et la répartition du taux d’alphabétisation ou de la pratique religieuse. L’intérêt et le sérieux de ces pages font pourtant difficilement contrepoids à l’aigreur des règlements de comptes d’intellectuel, qui emplit le reste de l’ouvrage. Quant à la thèse finale du livre – le protectionnisme est la dernière chance de la démocratie européenne – elle convaincra sans doute ceux que la majeure du syllogisme n’aura pas arrêtés ; les autres resteront sur leur faim d’arguments devant cette position radicale, qui traduit pourtant bien les préoccupations de 2008.