Apocalypse Now !
Un avenir probable sinon possible. Novembre 2022 un ouragan dans la baie de San Francisco provoque 60 000 morts. Les assurances ne peuvent couvrir les dommages et, par un effet domino, c’est toute...
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le 5 févr. 2020
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Un avenir probable sinon possible.
Novembre 2022 un ouragan dans la baie de San Francisco provoque 60 000 morts. Les assurances ne peuvent couvrir les dommages et, par un effet domino, c’est toute l’économie américaine qui s’effondre, entraînant le système mondial avec elle… de quoi flatter l’égo démesuré du dangereux guignol qui gesticule à la Maison Blanche : capitalisme et bouleversements climatiques sont intimement liés, le scénario de nos devenirs apocalyptiques est face à nous. C’est sur ce dramatique constat que débute le roman catastrophe d’Antoinette Rychner.
Antoinette Rychner est née en Suisse (Neuchâtel) en 1979. Après des études à l’Institut Littéraire Suisse, elle se consacre à l’écriture dramatique et romanesque. Après cinq pièces de théâtre, un recueil de nouvelles et un roman épistolaire, elle a publié en 2015 son premier roman, « Le Prix », qui a obtenu le Prix Michel-Dentan et le Prix Suisse de Littérature 2016 (les deux plus importantes récompenses littéraires de Suisse romande). « Après le monde » est son deuxième roman.
Comment rendre compte de ce livre sans le résumer point par point ? Un défi.
Dès les premières lignes on est confronté à un état des lieux accablant de "l’avant effondrement" : « Sur les huit milliards d’habitants que comptait la terre, environ un milliard et demi de personnes vivaient dans des pays appelés « pays développés à économie de marché ». Nous en faisions partie. Nous consommions, en moyenne, plus de 250 litres d’eau potable par jour et par personne – par année, plus de 3 000 litres de pétrole. Nos ménages s’élevaient à 2,5 personnes. Ils participaient à la production de centaines de millions de tonnes de déchets par an, garantissaient la consommation destructrice de masse et contribuaient à dévaster le monde ; nous le reconnaissions. »
Mais on se donnait bonne conscience, nous préférions le poulet fermier, poursuit l’auteure, le sirop sans colorant, les vacances en tipi ou cabanes sylvestres, nous nous inscrivions à des ateliers de yoga et adhérions à la philosophie du zéro déchet et restions incrédules et fatalistes devant l’explosion du chômage : « Dans les cinq années précédentes, vingt millions d’emplois avaient disparu de nos marchés, dont un quart en Europe. Nos taux de chômage explosaient. Explosait également l’économie dite « collaborative », et nous usions de plateformes telles qu’Uber, Airbnb, Netflix, BlaBlaCar ou eBay. Que ce soit via l’impression de tickets à domicile, le virement en ligne ou la part croissante d’autres services que nous nous rendions à nous-mêmes, nous participions volontiers à la rationalisation des coûts déplaçant le travail des entreprises vers les clients. […] À l’échelle planétaire, des emplois sous-payés se créaient par milliers tous les jours, tandis que se suicidaient les agriculteurs. »
Nous avions beau brandir l’étendard de l’écologie « Insectes, oiseaux, vers de terre disparaissaient à toute vitesse. Au-delà de certaines limites, nous en avions désormais la certitude, les écosystèmes basculeraient et la biosphère nous deviendrait hostile. Du point de vue géophysique, les grands cycles de la nature, celui de l’eau, du carbone ou de l’azote avaient déjà commencé à se détraquer. Le problème était que nous ne le croyions pas. Nous ne croyions pas ce que nous savions. »
Vous aurez compris que si vous ne vous sentez pas quelque peu responsable du chaos à venir c’est que vraiment vous êtes inconséquent ! Ou je devrais dire inconséquente car le parti pris de l’auteure est d’employer systématiquement le féminin pluriel lorsqu’il s’agit de « nous » : les principales protagonistes, les "bardesses" Barbara et Christelle composent une sorte de récit-témoignage, une épopée au féminin pluriel, qui témoigne du monde d’avant l’effondrement (Chant pour se souvenir), raconte la chute (Chant de témoignage) et chronique la survie (Chant pour recommencer).
Alors que tous les moyens de communication ont disparu, ces textes se veulent une mémoire du monde pour les générations futures à transmettre et à répandre comme la grande épopée de la civilisation perdue. Une (mauvaise) leçon pour l’avenir, un exemple à ne pas suivre si l’humanité renait de ses cendres. Et elle renaîtra, n’en doutons pas, dans quatre ou cinq millénaires, quand Dame Nature aura retrouvé un semblant d’équilibre… et si je ne suis pas trop optimiste ! Alors, peut-être que si, sur les rives de la Mer Morte, nos descendants découvrent des tablettes de terre cuite compilant ces chants, enrichis au fil des siècles, ne deviendront-elles pas le fondement de nouvelles "Saintes Écritures" ? Qui sait.
Apparemment, ce qui intéresse l’auteure est le changement d’échelle : du mondialisme au localisme, de l’élevage intensif au pastoralisme retrouvé, des déplacements longues distances à la lenteur de jours de marche… Que reste-t-il quand on a tout perdu ? « Nous avons fait marche arrière ; vers un passé nouveau ». Comment se réorganisent les groupes de survivants ? Bien sûr, c’est l’anarchie, la loi du plus fort, la violence, la régression dans tous les domaines mais le pire est à venir, le livre s’arrête en 2049. Optimiste, disais-je ? Je pense que moins de trente ans après l’effondrement, la civilisation n’en a pas fini de se déliter. Pourtant Antoinette Rychner ne nous épargne rien des terribles conséquences du recul inéluctable, depuis le décès pour une simple appendicite, en passant par les famines dues aux récoltes ravagées, ou à l’exacerbation de la xénophobie et du racisme.
L’écriture n’est pas d’un abord facile, les "Chants du souvenir" laissent un goût de liste à la Prévert de catastrophes en tous genres, quant à l’emploi du féminin pluriel, pourquoi pas ? Mais c’est d’un féminisme que j’oserai cataloguer de mesquinement imposé et qui n’apporte pas une grande amélioration dans le sort des femmes maltraitées.
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le 5 févr. 2020
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