Archipels d’Hélène Gaudy n’est pas le énième récit d’une fille pour célébrer son père. Il est plus et moins à la fois. En tout cas, le lecteur se délecte du plaisir de leurs rencontres de papier, père, fille, fille — père entremêlés par l’explosion des mots, triturés et malaxés par son talent.
En plongeant dans ses quatre chapitres, Hélène Gady essaye de surnager dans l’histoire de son père, muette de n’avoir jamais été racontée, submergée par les signes laissés à disposition.
Bayou, le premier chapitre, décrit cet homme, comme un lieu, sorte de « capsule temporelle » ou « un terrain de jeu ». Peut-être aussi une île comme cet entrepôt où il travaille sa peinture mais aussi, où il amasse toutes sortes d’objets, notamment des bocaux de sable pour ses tableaux.
Le second s’intitule Pierre. Hélène Gaudy tente de remonter la mémoire comme « une longue-vue à braquer sur sa vie, « et sur la sienne « par ricochets« . « Les parents dont des mégalithes dans notre champ de vision. On passe sa jeunesse à tenter de voir le paysage qu’ils nous cachent, et puis, un jour, ils sont devenus de toutes petites pierres, des cailloux. » Seulement même les cailloux ont une histoire qu’il faut découvrir au-delà des grandes lignes tracées par le passé familial.
Les lieux et les objets sont le point de départ de cette enquête sur la part invisible et inconnu de celui qui lui est cher, puis sur ses grands-parents, résistants. Des pistes poursuivies sont abandonnées, d’autres se cherchent, se dérobent mais deviennent signifiantes. L’enquête s’étire mais ne se rompt pas, puisqu’Hélène Gaudy reconstruira les figures familiales avec suffisamment de détails pour qu’elles nous soient familières. Son texte est riche d’une langue parfaitement maîtrisée où sa force du passé éclate, même s’il enferme ceux qui la possèdent.
Cette introspection centrée sur son « petit père » touche notre sensibilité au plus profond, nous renvoyant à notre propre histoire mais aussi celle collective. Condensé d’amour et de poésie, Archipels d’Hélène Gaudy touche par sa forme exigeante et par son fond, sensible et tendre.
Chronique illustrée ici
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