Zola à East Oakland
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Depuis la mort de leur père et l’internement de leur mère, Kiara, dix-sept ans, et son frère aîné Marcus vivent d’expédients, seuls dans leur appartement miteux d’un quartier noir défavorisé d’East Oakland, sur la côte californienne. Pendant que Marcus, caressant le doux rêve de percer dans le rap, s’échine avec quelques comparses sur un projet d’album qui ne verra jamais le jour, la jeune fille cherche désespérément le moyen de payer leur loyer et d’éviter l’expulsion. Faute de trouver le moindre emploi, elle finit par se résoudre à arpenter la nuit et ses trottoirs, et se retrouve rapidement sous la coupe de policiers véreux qui l’exploitent sexuellement en échange d’une vague protection. De passes furtives en soirées gang bang, sa descente aux enfers la mène droit au coeur de la tourmente médiatique et judiciaire qui se déchaîne lorsque le scandale éclate.
Inspiré de faits réels survenus à Oakland en 2015, le récit se nourrit de la proximité de l’auteur avec son personnage, une fille noire du même âge et de la même ville en qui elle se projette avec une profondeur de ressenti et un réalisme impressionnants - lui prêtant beaucoup d’elle-même et jusqu’à une compagne calquée sur la sienne propre -, pour nous plonger dans une narration puissante, intelligente, sublimée par le naturel sobre et direct et par la poésie d’une plume si parfaitement mature et maîtrisée que l’on s’ébahit de ses même pas vingt ans et d’un talent déjà si éclatant.
Sans colère ni amertume, mais avec une lucidité désabusée qui en dit long sur la désespérance afro-américaine dans ces quartiers où la vie semble sans issue, Leila Mottley prête une voix et un visage à toutes ces femmes noires, en butte à des violences sexuelles en plus des persécutions policières habituelles, et qui, oubliées des mouvements comme Black Lives Matter – nés pour la défense de victimes jusqu’ici masculines -, demeurent désespérément invisibles. Loin de la représentation diabolisante et réductrice entretenue par les médias, son meilleur argument est l’empathie qu’elle suscite pour une poignée de personnages très jeunes et attachants, dont la profonde détresse ne vient jamais assombrir la lumineuse tendresse, pour un frère, pour un enfant, pour une amante.
Si, avec ce premier roman confondant de maturité, Leila Mottley n’a pas remporté le prestigieux Booker Prize dont elle était la plus jeune sélectionnée depuis que ce prix littéraire existe, gageons que ce n’est que partie remise et que cette magnifique nouvelle plume fera encore parler d’elle. Coup de coeur.
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Créée
le 1 févr. 2023
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