"L'unisson est misérable musique"
Kom den son livre "la botte à nique" part rue en 1973, jeu pou raie fer une cri tique toutan jarre gond. M'semble toud' même ke le stil neva pas m'faci litté la tache. Soitte. Artiste...
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le 22 avr. 2016
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Loin de moi l’idée d’écrire un pamphlet contre le site ou contre son utilisation (et c'est bien pour cela que le titre est écrit comme tel), comme le titre pourrait le faire penser. Simplement, cela fait un certain temps que certains fonctionnements ici m’agacent ou me semble détourner le site de sa fonction première et absolument formidable : découvrir des œuvres. Comme si certaines ailes des possibilités qu’offre ce site étaient coincées dans une impasse malgré elles et leurs occupants. Puis, lors de ma lecture de cet ouvrage rédigé en pleine révolution politique, sociale et culturelle de la fin des années 60, je me suis aperçu que mes interrogations collaient tout à fait par extension au propos de l’ouvrage, avec plus ou moins d’extrapolations bien sûr mais avec une pertinence suffisante à mon sens. Alors je me suis dit que plutôt de m’essayer à une critique littérale de cet ouvrage radical et donc polémique, j’allais faire d’une pierre deux coups et parler aussi de SensCritique à travers l’œuvre de Jean Dubuffet et vice-versa. En espérant avec tout ça, bien sûr, vous donner envie de lire ce livre très intéressant, malgré les nombreux désaccords que j’ai pu ressentir au fil de sa lecture. Qu’importe donc si ma critique est ignorée, conspuée ou aimée, je me lance.
La principale thèse de l’ouvrage, et sans doute celle qui s’ouvre le plus à la polémique, est le refus total de toute culture, ou plutôt de toute culturation. Si cela m’avait paru trop fort sur le moment, au fil de la lecture cela paraît plus clair : ce n’est pas tant le fait de se cultiver qui est critiqué, mais celui d’ériger la culture en système vertical, par hiérarchies, et non horizontal, populaire. De refuser le principe du bon goût, de toute valorisation culturelle même. Si cela m’a fait penser à SensCritique, c’est parce que le site cultive de toute évidence ce bon goût, cette hiérarchie. Pourtant, et c’est bien là la raison d’origine qui m’a valu un rejet assez féroce de la thèse de Dubuffet au départ, à l’heure d’aujourd’hui cette hiérarchie semble de plus en plus le dernier rempart contre la culture de masse.
Peut-être est-il naïf de croire cela, mais il semblerait que les années 60 n’étaient pas sujet à une telle mondialisation des goûts et popularisation de la culture. Encore aujourd’hui, il est nécessaire de remettre en cause la pensée des intellectuels et des professeurs (pour reprendre les termes employés dans l’ouvrage), de remettre en cause le « beau » culturel érigé en bon et unique goût valable, pour autant ce « bon goût » est devenu tellement minoritaire qu’il est nécessaire de le porter un minimum aux nues. En cela, le point de vue de Dubuffet semble trop éloigné de notre époque pour pouvoir pleinement s’y soustraire, même s’il a parfaitement raison sur la subjectivité totale du « beau » que certains prétendent pourtant objective. Et SensCritique, bien sûr, participe malgré lui à cette transposition, tel le groupuscule relativement élitiste qu’il est.
Un autre point sur lequel Dubuffet n’a sans doute pas tort, est le caractère néfaste de l’aspect social sur l’art, et donc la culture. L’art serait ainsi pour lui, par son principe même, quelque chose de purement individualiste et antinomique à toute conscience de groupe, d’intérêt commun. La création, dès lors qu’elle existe pour un public, pour être vue/lue/entendue, verrait alors son élan complètement altéré car conditionné. Peut-être qu’un des problèmes de l’utilisation du site en va de même, avec des critiques parfois rédigées de manière à flatter l’abonné, ou le lecteur plus globalement. En tout cas, cela m’a fait me poser des questions, puisqu’étant directement concerné, sur la création d’art tout autant que sur l’utilisation que je souhaite faire de SensCritique. Le fait qu’il soit un réseau social est une bonne chose, je l’utilise d’ailleurs beaucoup dans ce sens, mais n’est-il pas néfaste de mélanger l’aspect social du site et son aspect culturel ? Je ne fais pas ici un procès du like, qui est en lui-même un outil tout à fait valable permettant de mettre en valeur du contenu sur une base totalement égalitaire (en principe). Mais son utilisation, qui devrait mettre en valeur du contenu de qualité, met en valeur à la place du contenu social, certes inoffensif mais superficiel. Social car résultant d’un copinage, d’une peur de vexer l’égo de l’éclaireur/ami/abonné ou, presque pire, par habitude.
Bien sûr, j’enfonce des portes ouvertes en disant cela, et je profite aussi de ce système plus ou moins malgré moi. Ou plutôt, disons que j’ai joué à ce jeu-là moi aussi, mais que j’essaye depuis quelques temps à m’y dérober au maximum, et c’est au final loin d’être aussi difficile qu’on peut le penser. En fait, cela me rend triste de voir que SensCritique s’enlise dans une routine, parfois toujours aussi intéressante mais trop souvent faisant éloge de la médiocrité et cela sous le prétexte du social ou de l’amusement. Et, quelque part (parce qu’il faut bien que ce discours barbant ait un minimum d’intérêt), je pense que cela correspondrait assez à la vision de Dubuffet.
Cette vision va jusqu’à s’étendre à une volonté de déculturation de masse, d’aller contre un « conditionnement de l’activité mentale » par le trop plein de culture. Car cette consommation presque gloutonne de culture, pratiquée par certain(e)s et à peu près tout le monde par degrés d’influences, ne dénature pas la notion de culture en elle-même ? Enchaîner les œuvres culturelles n’empêche-t-il pas malgré nous de penser à chacune d’elle comme il se devrait ? Pour Dubuffet, la culture est synonyme de fixation, contraire à « l’agilité de la pensée ». Qu’on soit d’accord ou non (et je ne le suis pas), cela amène en tout cas à réfléchir sur notre mode de consommation et surtout le recul que nous avons sur notre culture, sur la culture qui nous est offerte.
Finalement, plutôt que de finir ma pseudo-critique sur cette dernière phrase qui aurait pu convenir, j’ajouterai que selon l’auteur, toute subversion ne peut être qu’individuelle, en tout cas dans son élan, car une subversion collective ne serait finalement que création d’un nouveau groupuscule dans lequel une nouvelle hiérarchie serait créée. Alors, SensCritique, unité sociale agissant pour le bien commun de la culture ou repère de loups solitaires cherchant leur propre subversion ? Dans tous les cas, même si vous pourriez détester ce livre, je ne peux qu'encourager à le lire pour les réflexions qu'il peut apporter.
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le 22 févr. 2016
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