J'ai connu Anthony Boulanger grâce à la nouvelle qu'il a publiée dans l'excellent recueil « A Voiles et à Vapeurs » des éditions Voy'el. Consacrée au Chevalier d'Eon, j'avais été très surprise de voir l'apparente facilité avec laquelle il était parvenu à redonner de la nouveauté à ce personnage pourtant déjà très utilisé en littérature. Quand je suis tombée par hasard sur Au Crépuscule en furetant dans mon Furet du Nord local, cette précédente bonne expérience m'a vite convaincue de me laisser tenter, d'autant plus que j'adore la Fantasy et les formats longs.


Bref, que raconte Au Crépuscule ? Sans rentrer dans les détails, c'est avant tout une histoire de guerre, une guerre qui prend place au sein du monde de Firnen, où femmes et hommes peuvent contraindre la magie. Regroupés dans des Guildes aux spécialités différentes, ils veillent à ce qu'aucun d'entre eux ne soit tenté par les Chemins Obscurs, un « autre-monde » maléfique où, en échange d'incroyables pouvoirs, les mages deviennent des Arpenteurs, des renégats honnis de tous et irrécupérables. Mais cette surveillance finit par leur faire défaut, et un terrible adversaire se jure de détruite son ancienne terre natale et les sorciers qui y vivent...


Au Crépuscule fait parti de ces romans que j'ai eu beaucoup de mal à « juger ». Quoique plutôt bien écrit dans l'ensemble et relativement agréable à lire, je l'ai trouvé au final très frustrant. Frustrant, tout d'abord, parce que je n'y ai pas trouvé la nouveauté que j'attendais : c'est bien évidemment une attente très relative et personnelle, mais le monde de Firnen, à peu de détails près, ressemble à n'importe quel monde de Fantasy. Il est standardisé, et manque d'aspérités auxquelles se raccrocher afin de se faire une idée précise de l'univers. Les Guildes forment le seul élément véritablement « original », mais comme on se concentre essentiellement sur celle du Feu sans nous dévoiler ses principaux rouages, on finit par les oublier elles aussi.


Frustrant, il l'est aussi parce que les personnages eux même sont relativement génériques. Le roman est assez manichéen, et divise les protagonistes en deux groupes hermétiques. Le problème, c'est qu'on a vite l'impression que les caractères des uns et des autres ne sont que de petites variations du caractère général du groupe auquel ils appartiennent, si bien qu'il est très difficile d'éprouver quoique ce soit pour eux. De plus, ils sont quand même assez nombreux car le roman tente de multiplier les points de vue, ce qui rend le problème d'autant plus flagrant.


Ceci étant dit, le plus frustrant dans tout ça est le fait que le roman me donne l'impression de finir là où il devrait commencer : le tome est conçu comme une grande introduction, et aurait été extrêmement pertinent s'il avait effectivement présenté un univers complexe ou des personnages très différents les uns des autres. Mais passé le premier tiers, on a déjà l'impression d'avoir toutes les cartes en main pour comprendre les enjeux de la guerre qui se prépare. Les capacités de chacun sont déjà posées, les camps bien définis, la menace présentées... les péripéties intermédiaires n'apportent pas de véritables informations. Elles restent agréables à lire bien sûr, mais elles donnent parfois un peu l'impression de faire du remplissage, ce qui est dommage puisque le dernier quart du roman est très intéressant.


Au Crépuscule garde sans doute trop son lecteur à distance : il est difficile de s'impliquer émotionnellement dans un monde aussi neutre, de se sentir concerné par la guerre et de s'inquiéter pour ceux qui y participeront. Les personnages de Rucina et Mim sont particulièrement compliqués à aborder, parce qu'ils sont tous les deux des êtres exceptionnels dans leur monde, et qu'ils sont donc plus un objet « d'admiration » pour le lecteur qu'autre chose. De la même façon, le grand antagoniste a des défauts similaires : trop distant, trop puissant, trop cruel il manque de subtilité pour être abordable. Mais qui sait, les prochains tomes pourraient corriger le tir.


Pour autant, tout n'est pas à jeter loin de là : le principe de la Contrainte magique est franchement sympa, et la Guilde des Nuages, quoique peu évoquée, a vraiment piqué mon intérêt. La fin du tome I redistribue suffisamment les cartes pour espérer voire poindre de nouvelles problématiques dans les tomes suivants, et cela me donne vraiment envie de m'attaquer au tome II quand il sera sorti...


En résumé, Au Crépuscule est un livre un peu lisse, mais qui semble être un prélude à des aventures qui le seront sans doute moins. Il reste intéressant à lire pour les gens aimant les univers de Fantasy fortement basés sur la magie, mais décevra sans doute les amateurs de « grandes » construction d'univers à la Tolkien, ou de personnages complexes et atypiques. Laissez lui sa chance si vous en avez l'occasion...

Sigynn
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le 19 juin 2015

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