J’ai trouvé intéressant d’écrire sur cet ouvrage qui n’est certes pas mon préféré de Romain Gary, mais il a indéniablement le mérite d’être celui qui m’a le plus étonné.
Sombre plaidoyer sur la virilité et la masculinité. Cri silencieux sur la perte de vigueur et de spontanéité engendré par la vieillesse. Ode à cet amour si pur, que le bonheur qu’il suscite fait naître un sentiment de culpabilité. Ecrit en 1975, ce livre fait part de sujets qui sont encore tabous aujourd’hui : l’angoisse liée au vieillissement, la peur de l’impuissance, le déclin de la séduction et la libération par le suicide.
Ce cri silencieux, alimenté par les fantasmes d’une jeunesse qui n’existe dorénavant qu’au travers de souvenirs regrettés, nous déstabilise au plus haut point. De l’extérieur, cet homme semble avoir tout pour lui : une carrière aboutie, un fils qui a réussi, une femme dont il est amoureux et une élégance rare. En réalité, il est fond du trou, démangé par l’obsession de la décrépitude de sa vie sexuelle et professionnelle. Ce déclin, merveilleusement métaphorisé par le déclin de Venise et de la tour de Pise, cette dépendance à la jeunesse, illustrée par la dépendance énergétique des pays occidentaux envers les pays jeunes du Moyen-Orient, nous troublent par leur pertinence et leur poésie.
Lorsque le corps n’accompagne plus les désirs formulés, lorsque la réflexion prend le pas sur la sensation, lorsque les rêves sont remplacés par les inquiétudes, il est difficile de se rendre à l’évidence : la jeunesse est éphémère. Mais justement, cette juvénilité, n’est-elle pas belle uniquement parce qu’elle est éphémère ? Profiterions-nous autant de cette dernière si elle n’avait pas de « date limite » ? Il faut donc s’adapter, être ouvert, partager, vivre autrement, aimer de plein cœur, évoluer, découvrir de nouveaux plaisirs, de nouvelles occupations, si l’on ne veut pas faire des « crises de puberté » à 60 ans.
L’on doit tous se rendre à l’évidence, même si c’est au prix d’efforts titanesques : au-delà d’une certaine limite, la jeunesse n’est plus (valable).