La note ne dit rien de la qualité du roman mais concerne plutôt mon plaisir à le lire. J'ai mis énormément de temps à avancer dedans, contrairement à d'autres romans de Steinbeck qui m'ont emportés. Joseph est attaché viscéralement à sa vallée et à son arbre, et déploie un panthéisme instinctif, loin des dogmes et des pratiques conformistes de sa famille. C'est grâce à son lien à la Nature et à sa terre qu'il se rapproche finalement au plus près de la figure du Christ, manifestant bonté, pardon, amour... à sa manière unique et touchante.
"Au dieu inconnu" est une inscription sur un autel de l'aéropage d'Athènes, qui inspira ce discours à Saint Paul dans les Evangiles :
Athéniens, à tous égards vous êtes, je le vois, les plus religieux des hommes. Parcourant en effet votre ville et considérant vos monuments sacrés, j'ai trouvé jusqu'à un autel avec l'inscription : ‘Au dieu inconnu’. Eh bien ! ce que vous adorez sans le connaître, je viens, moi, vous l'annoncer. Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s'y trouve, lui, le Seigneur du ciel et de la terre, n'habite pas dans des temples faits de main d'homme. Il n'est pas non plus servi par des mains humaines, comme s'il avait besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous vie, souffle et toutes choses. Si d'un principe unique il a fait tout le genre humain pour qu'il habite sur toute la face de la terre; s'il a fixé des temps déterminés et les limites de l'habitat des hommes, c'était afin qu'ils cherchent la divinité pour l'atteindre, si possible, comme à tâtons et la trouver; aussi bien n'est-elle pas loin de chacun de nous.
D'après mes recherches, cet autel symbolisait le fait que, bien que les Athéniens adoraient de nombreuses divinités, ils reconnaissaient aussi l'existence d'un Dieu suprême qui leur était inconnu. Paul en profita pour prêcher l'évangile et expliquer que ce Dieu inconnu était en réalité le Dieu créateur de l'univers. L'épisode serait une illustration de la soif de spiritualité de l'homme et de sa quête de sens.
J'aime beaucoup la déclinaison "steinbeckienne" de cet autel naturel, reprenant au pied de la lettre les mots de Saint Paul. Saint Paul reproche aux Athéniens leur paganisme et leur idolâtrie, Joseph lui, propose un paganisme dénué de bibelots, où seul le souffle de Vie est une preuve d'un sens ici bas sur cette terre. Le dernier chapitre, dans la grande tradition Steinbeckienne (enfin je crois, j'en ai lu que trois hein), sublime le propos en quelques images christiques parfaites. De quoi me féliciter d'avoir tenue bon malgré les longueurs.