Si le roman de Steinbeck nous invite souvent à regarder un paysage horizontal, il nous surprend lorsqu'il nous oblige à regarder à la verticale, au travers d'un puits sans fond ouvert aux questions existentielles et à la spiritualité. Le troisième roman de Steinbeck n'a de défaut que sa lente mise en place rythmée par une nature paisible qui berce le lecteur dans la première partie du livre, au risque d'être ennuyante. Mais en réalité cette lente mise en place s'avère être un doux confort dont on regrette bien vite l'achèvement, car passée celle-ci, la lecture devient tranchante comme de la roche, et souvent saisissante d'effroi. La nature donne comme elle reprend. Elle est le rouage central du livre, celle dont on attendra les manifestations, elle serrera nos tripes et mènera la vie dure aux personnages. Et quels personnages ! Steinbeck met de la vie dans son encre. Il le fait d'une telle façon qu'une centaine de pages lui suffisent pour faire naître une vraie nostalgie lorsqu'un personnage meure, car on aura eu l'impression d'avoir vécu avec lui.
Apparemment c'est un roman mineur de l'auteur, et pourtant je l'ai trouvé grandiose. Peu accessible au début, il s'ouvre à nous en cours de route et nous surprend. Mais c'est pour mieux nous piéger, car derrière la première peinture d'une nature idyllique se cache une deuxième peinture , celle d'une nature terrifiante pesant de tout son poids sur l'homme incroyablement petit.