Au printemps des monstres est sans doute le meilleur livre du Goncourt que j'ai lu jusque là (c'est le 11ème que je lis de la sélection) et c'est le plus long... Enfin on a un auteur qui prend son temps pour raconter quelque chose... Qui ose digresser, donner son avis, tenter de véhiculer quelque chose chez le lecteur... On sent que le but n'était pas de rentrer dans une sorte de cahier des charges du roman qui doit pas dépasser 200 pages sinon personne ne le lira (personne ne le lira de toutes façons).
Bref, ce bouquin retrace une histoire vraie, visiblement, une enquête sur un gamin mort en 1964 et retrouvé dans une forêt. Bon déjà rien que l'idée est salvatrice dans une sélection du Goncourt aussi morne... un polar... Enfin pas vraiment, mais un peu quand même. Disons qu'il va raconter donc l'enquête, l'arrestation du suspect, sa condamnation et surtout pourquoi est-ce qu'il n'a sans doute pas pu commettre ce crime. Il y a tout dans cette affaire, du glauque, du mystère, des erreurs judiciaires, des personnages louches qui cachent plein de trucs. C'est parfait.
Alors parfait... parfait... il y a quelques défauts, parfois l'auteur s'adresse directement au lecteur et ça peut plus ou moins bien marcher en fonction de ce qu'il raconte (j'avoue avoir levé les yeux au ciel lorsqu'il nous prend pour des attardés en nous réexpliquant le principe du fusil de Tchekhov). Et puis c'est long... surtout vers la fin...
Mais mine de rien il arrive toujours à nous raccrocher son histoire, parce qu'on est comme lui on veut savoir ce qu'en pensait tel ou tel acteur de l'intrigue, on veut explorer les contradictions...
Et j'avoue que je ne sais rien de la véritable affaire, mais l'auteur a réussi à me balader, à me faire épouser ses thèses lorsqu'il le voulait... et c'est plaisant... sans doute ai-je été manipulé par le roman... mais n'est-ce pas là tout le plaisir ?
Et puis l'auteur arrive à être assez juste lorsqu'il parle de Lucien Léger, appelé l'étrangleur, notamment à la fin de la première partie, lorsqu'il dit que c'était le plus ancien détenu en France, qu'il a passé 41 ans en prison et il montre finalement l'inhumanité de cette peine et de sa longueur (surtout que lui est persuadé qu'il n'a pas commis le crime dont il est accusé).
Si j'avoue avoir été sans doute moins concerné par le roman sur la fin, clairement il surnage dans la sélection du Goncourt.