Des mythes, du rêve, de la poésie, mais en prose.
Il semble, dans Aurélia - ainsi que dans Pandora, la courte nouvelle de dix pages qui la suit -, que l'histoire ne soit qu'un prétexte à la divagation littéraire à l'emportement passionné et fou.
Est-ce cependant à reprocher ? Je ne le crois pas. Sans être explicitement de la poésie, ces deux nouvelles révèlent tout le talent poétique, tout le romantisme languide, sulfureux, dément de Nerval. La réalité et la fiction se mêlent pour nous laisser voir un monde étrange, suprasensible sans doute, où les religions se croisent et sont un moyen (illusoire ?) d'atteindre une paix de l'esprit bien méritée.
Tout cela avec évidemment la présence centrale de la femme, de la Beauté, inaccessible pour la première, soit idéale, et redoutable pour la seconde, soit asservissante. Beauté toutefois posée en absolue, et servant de moyen pour créer un monde enchanteur et/ou torturé.
Il y a aussi de la réflexion dans Aurélia et Pandora. Réflexion sur le rapport à la femme, et réflexion sur la véracité de la religion dans Aurélia - Nerval, loin de n'être qu'un illuminé, est aussi conscient de certaines réalités, s'interroge sur son rapport à la raison, et dans la même veine confie ne pas savoir différencier la réalité du rêve. Pour finalement postuler qu'il est préférable d'être heureux en vivant dans un monde d'illusions que malheureux dans le drame conscient de la perte de l'être aimé. Remarque étrangement lucide et paradoxe très intéressant.
Cependant Aurélia et Pandora, mais surtout la première et plus longue nouvelle, sont extrêmement difficiles d'accès, et on décroche facilement, voire on ne comprend pas tout du premier coup. C'est pourquoi il faut prendre ses précautions, et n'être pas à moitié endormi en lisant Nerval, on risque autrement de perdre beaucoup de la valeur onirique et théâtrale de l'oeuvre. A manier, donc, avec précaution.