Aurélien Drieu-La-Rochelle par Pierre Aragon.
Ah, ce livre, ce livre. Comment réussir à la détacher du Gilles de Drieu, influencé que nous sommes par cette superbe préface et par cet Aurélien qui prétend avoir pour second prénom Roger, alors qu'on a tous deviné, c'est Gilles ! Gilles, encore, parce qu'il a les mêmes épaules, la même insouciance qui tant soulève les femmes et leur fait à la bouche un deuxième coeur, muet celui-là.
Voilà qu'Aurélien, cherche ce "qui chante" dans le visage de Bérénice, mais ce qui chante, mon ami ce sont vos baisers dont déjà tu devines la mélodie.
Ah. C'est Gilles encore parce qu'il flotte parmi les médiocres et ne peut tout à fait s'empêcher d'être médiocre, quelques secondes au matin, quand il n'a pas encore ouvert les yeux, quand il est plein des bassesses de la veille...Gilles, parce qu'autour de lui, excepté Edmond peut-être (oisif, certes, mais solaire, lui aussi est parmi les étoiles, mais des étoiles diurnes, moins remarquables) et Bérénice forcément -Bérénice, ta bouche tremblante, et ta timidité de putain- tout est bas. Tout est M O R A L E. Avec les lettres d'un crime capital. Tous les êtres, tous les autres sont figés dans leur morale. de Mary la libertine à Armandine la petite-bourgeoise, de Riquet l'ouvrier à Adrien l'ambitieux voilà un spectre de toutes les morales, de toutes les manières, de tous les dégoûts, la palette de tout ce qui dégoûte les êtres solaires.
Mais l'amour, l'amour, l'amour qui sauve tout, qui met à hauteur de désastre;
Sublimes vertiges.
On referme le livre et soudain cette vérité "je suis vivant".