Essayons ce polar qui s’enfonce dans les brumes vosgiennes et traîne ses lignes sur le goudron strasbourgeois.


Polyphonie. Les chapitres sont découpés en points de vues, se racontent à travers la vision d’un personnage. Ils sont multiples, différents mais l’égarement ne vient jamais. On se retrouve toujours, on admet facilement les liens entre chacun.


Situation géographique étonnante. Les Vosges. Nancy. Strasbourg. Des villes que je parcours, des lieux que je fréquente. Ma réticence à lire le livre se situe peut-être dans cette volonté de toujours m’éloigner de ce que je connais, de ne jamais y retrouver la réalité. Ici, la vérité se glisse entre les pages, ne prend jamais la tournure improbable de nombre de récits qui cherchent le grandiloquent, l’effroyable. On reste dans le vrai, on s’immerge à la vie des estropiés de la société. Pas de pathos, pas de hargne. Juste le désoeuvrement des Hommes. La fin. La lassitude.


Une usine qui ferme, des salariés envoyés au dépôt de leur vie. Syndicat et DRH sont sur le désaccord. Il faut trouver d’autres solutions pour arrondir les fins de mois, de quoi nourrir les marmots, ne pas sombrer, avoir le museau hors de l’eau devenue boueuse. Pourquoi ne pas accepter l’offre des Benbarek ? Une idée qui semble simple - capturer une fille, la garder, attendre les ordres et recevoir le pactole. L’enlèvement n’est qu’une excuse au polar, un fil conducteur qui permet aux personnages de se croiser. Des deux roublards responsables de l’enlèvement, à celle qui tombe malheureusement sur la victime, à ces frères - soeurs ou voisins des éclopés de l’usine, chacun prend part au récit, s’immisce et narre sa réalité noueuse. Tous malmenés, tous barbouillés d’actes noirs. Aucun n’est indemne. Et c’est leur parcours, leurs bosses, leurs stries qu’exposent les différents chapitres sublimés d'une plume tranchante.


Aux Animaux la guerre, c’est l'éventail d’une société ouvrière à la dérive, de villages qui s’écroulent après la fermeture d’une usine. C’est la fin, la déroute. Ça suinte l'horreur, l'ignoble sous le commun des vies de chacun.

HUBRIS-LIBRIS
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 4 juin 2018

Critique lue 473 fois

4 j'aime

1 commentaire

HUBRIS-LIBRIS

Écrit par

Critique lue 473 fois

4
1

D'autres avis sur Aux animaux la guerre

Aux animaux la guerre
camor
6

Critique de Aux animaux la guerre par camor

J'ai trouvé ce roman assez inégal. Autant je me suis régalé à lire les portraits des personnages et les situations ponctuelles décrites dans ce livre, autant je suis quelque peu déçu par le scénario...

le 6 mars 2016

5 j'aime

Aux animaux la guerre
HUBRIS-LIBRIS
8

Critique de Aux animaux la guerre par HUBRIS-LIBRIS

Essayons ce polar qui s’enfonce dans les brumes vosgiennes et traîne ses lignes sur le goudron strasbourgeois. Polyphonie. Les chapitres sont découpés en points de vues, se racontent à travers la...

le 4 juin 2018

4 j'aime

1

Aux animaux la guerre
Jean-Go
9

Critique de Aux animaux la guerre par Jean-Mallgoth

J'ai découvert Nicolas Mathieu comme beaucoup de monde : avec son Goncourt, j'ai été pressé par un ami de le lire, me garantissant que cela me plairait beaucoup. Ayant grandi dans un monde plutôt...

le 8 juin 2024

2 j'aime

Du même critique

L'Énigme de la Chambre 622
HUBRIS-LIBRIS
1

Critique de L'Énigme de la Chambre 622 par HUBRIS-LIBRIS

Genève. Un hôtel huppé où l'auteur himself y séjourne pour quelques vacances. Entre deux plaintes au sujet de son éditeur décédé l'année précédente, il y fait la rencontre de Scarlett, riche...

le 13 mars 2020

17 j'aime

6

Nino dans la nuit
HUBRIS-LIBRIS
9

rat des villes

Nino dans la nuit, c’est le roman d’un duo, d’un couple, de deux personnages qui sont au centre, duquel gravitent d’autres. Nino Paradis. Un gosse de dix neuf ans. Des conneries jusqu’au ras du cou...

le 28 févr. 2019

10 j'aime

1

The End
HUBRIS-LIBRIS
7

Critique de The End par HUBRIS-LIBRIS

Une BD avec pour thème de proue l’écologie ? Je passe mon tour, je le laisse à d’autres. Voila un sujet que je ne souhaite pas croiser dans mes lectures. Pourtant, hier soir, alors que la librairie...

le 16 mai 2018

9 j'aime