Habituellement, les "livres thérapie" me paraissent indécents. Indécence de les écrire mais surtout indécence de les lire. Étaler son chagrin sur la place, s'abreuver du chagrin des autres...
Mais ici, rien d'indécent. Au contraire.
Un rien m’entame, un rien m’enchante, ai-je coutume de dire. La bonne blague, tout m’entame. Ma tête est folle et pleine d’effroi.
Tout d'abord, c'est un récit "joyeux tout en étant triste" pour reprendre le code de conduite que le père de la narratrice lui dicte dans une lettre. Triste, bien sûr, puisqu'il a pour thème la mort d'un frère tant aimé, impossible à sauver de lui-même, flamboyant mais si prompt à s'éteindre, à se perdre au plus noir de sa mélancolie. Et joyeux, parce qu'Olivia de Lamberterie a un style vif, tranchant, souvent drôle, riche en rapprochements audacieux, en figures originales. Critique littéraire et donc lectrice compulsive, on sent dans les moindres détails du style de ce premier récit que ses nombreuses lectures innervent cette belle écriture, libre et parfois légèrement teintée d'insolence, la rendant claire et expressive.
La lecture est l'endroit où je me sens à ma place. Lire répare les vivants et réveille les morts. Lire permet non de fuir la réalité, comme beaucoup le pensent, mais d'y puiser une vérité.
Ce livre ne manque jamais de pudeur. Splendide tombeau poétique, pour reprendre une formule consacrée, c'est un hommage simple et émouvant à un frère dont elle veut avant tout conserver un souvenir rieur, et également à une belle-soeur qui l'a soutenu pendant plus de vingt ans, dans ses jours de gloire comme dans ses nombreux matins gris.
Oui, la vie continue, mais comment continuer la vie sans lui ? Je tente par tous mes moyens maladroits de transformer son absence en une présence lumineuse.
Olivia de Lamberterie ne cherche pas du tout à expliquer la mort de son frère en accusant qui que ce soit, au contraire, et cette gratuité caractérisant le récit le rend d'autant plus fort. Le regard porté sur sa famille, ses parents, ses soeurs, leur enfance dans le XVIème, est bienveillant, empreint d'une grande tendresse, il n'y a aucun règlement de comptes puisque "l'amour immense qui l'entourait ne lui a pas servi de parachute."
Nous avons été désirés, choyés, aimés. Les incompréhensions et maladresses sont inhérentes aux relations entre les parents et les enfants, elles n’en sont pas les explications. Nous sommes responsables de nos vies, je le pense profondément.