Un des livres les plus forts que j'ai lu et surtout un des livres les plus intelligents. Ayesha traite d'un sujet peu original qu'on a vu et revu (et traité de façon plus ou moins bien) : le fanatisme.
Ce qui est fort c'est que malgré une histoire datant d'une autre époque et se passant dans une planète imaginée de toute pièce le sujet est aujourd'hui en plein cœur de l'actualité. Il est tout simplement intemporel. Moi qui ai lu beaucoup de romans appartenant au genre de la Fantasy je peux vous affirmer que ce genre manque parfois de subtilité et il n'y a pas toujours de parallèle avec notre époque. Ici les auteurs utilisent la Fantasy pour faire passer un message fort et plein d'espoir qui serait peut-être moins bien passé dans un contexte contemporain. L'utilisation de ce genre n'est donc qu'un prétexte.
Ayesha se présente donc comme un roman très simple qui critique le ridicule et la dangerosité du fanatisme et traite de la liberté et de l'esclavage. Du déjà vu, on est d'accord. Mais il le fait à travers deux personnages principaux qui ont des idées et opinions totalement opposées - et c'est d'ailleurs ce qui apporte de la richesse à l'histoire (le fait qu'ils ne partagent pas les mêmes idées apporte un débat philosophique intéressant). Ils sont travaillés, complexes, ont des défauts, des qualités, sont bons et mauvais selon la situation, selon les décision à prendre. Ils sont humains et là encore dans la Fantasy les héros ont tendance à être surhumains (notamment dans les livres de Gemmell, cela dit j'adore cet auteur!). D'un côté nous avons Marikani alias Ayesha et de l'autre Arekh. Marikani va à la fois détruire la vie de cet homme et en même temps lui donner un sens. Vous l'aurez compris l'amour les assemble mais pas que... C'est plus compliqué que ça!
Ce qui m'a impressionné dans cette œuvre c'est que vous la retrouverez dans le rayon consacré à la Fantasy à la Fnac et pourtant il s'avère que c'est un livre "anti-Fantasy". Je m'explique : non il ne critique pas du tout la Fantasy, il s'en sert, oui ça se passe dans une planète imaginée (qu'on apparente facilement à la nôtre), oui les noms des peuples sont inventés (pourtant on peut facilement faire le lien avec nos pays actuels), oui il y a de la magie... Et c'est là qu'on a affaire à un véritable tour de force (et donc à un détournement de la Fantasy) :
le peuple turquoise croit en Ayesha une déesse qui devra les sauver grâce à sa magie, la magie a donc un rôle majeur dans cette histoire et l'ironie c'est qu'elle n'est pas une déesse et qu'elle ne possède pas de magie : la magie n'existe pas! Ce roman détourne le pouvoir de la magie pour en faire une magie universelle : l'espoir. La magie est perpétrée par l'espoir du peuple turquoise, par leur croyance.
Et c'est tout simplement génial.
C'est la première critique que je fais sur Sens Critique et je voulais que ce soit sur Ayesha parce que ce livre je l'ai lu il y a plus de deux ans et que c'est celui qui m'a le plus marqué (au fer rouge comme on dit chez nous!). Pour moi c'est clairement un chef-d'œuvre par sa subtilité : en effet, c'est difficile de parler de ces thèmes là sans reprendre ce qui a été déjà dit et sans utiliser d'énormes clichés. L'histoire nous prend totalement au dépourvu : alors qu'on s'attend à une histoire banale, sans âme avec des personnages convenus et un slogan dans le genre "Vive la liberté" ou "Le fanatisme c'est mal" on a un retournement de force et une histoire magnifique (je vais vous faire une confession : j'ai pleuré...) .
Bref, un livre complexe, plein d'amour, de haine, d'espoir, de désespoir, violent, qui vous prend aux tripes, qui créé la légende de la déesse Ayesha dans laquelle vous croyez et qui vous marque comme jamais.
Je voulais aussi partager avec vous un petit extrait qui pour moi est très beau et résume le livre entier :
"- Je trouvais le ciel beau, moi aussi, avant. Mais vous me l'avez arraché.
Marikani fronça les sourcils.
- Arraché? Arraché quoi?
- La beauté du ciel. Et celle de la terre, et celle du sable, et celle du vent. Avez-vous jamais pensé à ce que vous m'avez fait? dit-il en levant lui aussi la tête vers le firmament. Avant, chaque étoile avait une signification, chaque constellation une légende. Je voyais les filles des dieux souffler dans le vent, la chevelure des nymphes onduler dans la glace... Le monde était magique... Et tout cela vous l'avez détruit. Maintenant mon ciel est vide. Le monde est vide."
PS : je le déconseille tout de même au moins de 15 ans car c'est assez violent... Après chacun fait comme il veut!