Roman de l'immobilité, connu pour cette fameuse phrase "I would prefer not to", traduite de différentes façons par différents auteurs et dont "je préférerais ne pas" avoir à choisir une traduction.
L'histoire de Bartleby est racontée par un homme de loi qui, malgré une apparence d'honnête homme est une sorte de voyeur, spectateur semblable au lecteur. Accueillant "cette silhouette lividement propre, pitoyablement respectable, incurablement abandonnée" dans son étude, l'homme va être le témoin d'un passage de la semi-existence à l'inexistence de cet énigmatique Bartleby. Il va rapidement être désemparé face à cet homme déstabilisant, et va "tout" essayer pour provoquer une réaction, un mouvement chez l'indéracinable marginal, en vain. Préférant ne pas, la silhouette établit une sorte d'opposition à l'aliénation de l'individu dans le monde moderne, et ce au coeur de Wall Street. Critique flamboyante de la société économique? peut-être. Ne plus bouger, rester immobile, derrière le paravant, cette frontière de l'existence où habite le néant en un corps physique. Absent, oisif, peut-être est-il déjà mort dans la société moderne? Paradoxalement universel, Bartleby est un homme, peu importe qui, debout, derrière une paroi de verre, à regarder la cinétique humaine, tel une toile de Hopper, il s'interroge, nous questionne et c'est là que Melville signe une nouvelle profondément poétique sur nous, les hommes.
Thomas TOPA