Quand viendra le temps de tracer un bilan de l’œuvre du grand Paul Auster, sans doute que Baumgartner sera considéré comme un roman mineur du maître américain mais aussi, peut-être, comme l'un de ses plus personnels, En effet, même si le roman est écrit à la troisième personne, il y a cette impression que son personnage principal a emprunté certains des traits d'Auster, ses pensées, arrivé à un âge avancé, voire même des aspects de sa vie. Quoiqu'il en soit, Baumgartner est indispensable à tous ceux qui professent une admiration sincère pour l'écrivain septuagénaire, dont la prose se met soudain à ressembler, toutes proportions gardées, à celle, tardive, de Philip Roth. Dans son roman, Auster fait le portrait d'un intellectuel juif américain à l'automne de son existence, qui a perdu son épouse quelques années plus tôt et qui ne s'en remettra probablement jamais. Tous les lecteurs sont happés par la justesse de la comparaison entre un membre amputé, devenu une douleur fantôme et le deuil qui fait toujours mal en convoquant les souvenirs heureux du passé. Livre de la mémoire, du bonheur perdu et de la vieillesse, un peu avant le naufrage, Baumgartner est un récit d'une belle sensibilité, un voyage intérieur sombre et nostalgique. Nonobstant une dernière phrase énigmatique, ce roman, au final, avec les sentiments qui affleurent, n'est peut-être pas aussi mineur qu'il y parait de prime abord.