Prenez une société manipulatrice, capitaliste et sexiste où les femmes sont contrôlées par leur désir de beauté. Ajoutez une autrice éveillée, désirant exposer ce monde cruel d’aujourd’hui. Rajoutez une once d’humour et d’ironie avec des exemples variés. Enfin, mettez-y une volonté de changement et d’espoir pour l’éveillement des femmes. Vous obtenez Beauté Fatale de Mona Chollet.
Beauté Fatale est un livre de critiques dures, mais vraies. Chaque phénomène moderne est accompagné de plusieurs exemples concrets montrant la réalité de la situation. L’autrice expose les dérives de notre société, en passant par la vente de soutien-gorge rembourrés pour des filles de 10 ans à des ces mêmes filles anorexiques ou par les témoignages de mannequins démontrant la « suprématie blanche » existante.
Mais à quel point nous nous sommes faites manipulées pour arriver et tomber à ce point ? Pourquoi vouloir être belle dans notre société nous amène à tant de souffrance ? Pourquoi cette volonté d'être belle d'ailleurs ? Tant de questions à chaque fin des chapitres...
Ce livre est si direct qu’il transperce directement notre cœur, notre fierté de femme. La situation douloureuse et inférieure dans lequel les femmes sont tombées est connue de tous, mais je n’aurais jamais imaginé qu’elle soit si profondément ancré, qu’elle soit si terrible ou encore qu’elle nous manipulât si facilement, ou plutôt, je n’aurai jamais voulu l’admettre si facilement. Nous sommes intelligentes et fortes, comment aurions pu tomber dans un piège aussi grossier et répugnant ? Cependant, comme l’explique Mona Chollet ce n’est pas une question d’intelligence avec cette société, mais de contrôle par la peur : "ils jouent sur des craintes et des failles très intimes, qu’ils ne cessent de titiller, d’entretenir : la peur de ne pas ou de ne plus être aimée, la peur d’être rejetée, la peur de vieillir dans une société qui semble ne concevoir les femmes que jeunes".
On tombe ainsi dans la création des complexes, ces horreurs de l’humanité qui créent seulement haine envers soi et les autres, qui repoussent les idéaux physiques hors de l’humain, qui condamnent les femmes au doute constant. De l’anorexie avec la grossophobie, de la sexualisation de jeunes filles, de "la campagne d’abrutissement collectif" des jeunes femmes avec la mode, le racisme, la chirurgie esthétique… Sommes-nous que des "créatures décoratives " vouées à être admirées sur une étagère poussiéreuse ? Est-ce cela notre but à présent : seulement être belles, le Saint Graal de la féminité ?
On peut alors décider de suivre cet idéal de beauté ou de s’en échapper certains diraient, mais comme l’a dit l’autrice : "elles doivent être ni trop ni trop peu attirantes : dans le premier cas, elles risquent de ne pas être jugées crédibles professionnellement et, si elles de font harceler sexuellement, elles l’auront bien cherché ; dans le second, elles s’exposent aux réflexions désobligeantes pour avoir manqué à leur rôle de récréation visuelle et de stimulant libidinal". Des jugements montrant bien le respect que l'on nous accorde.
Si ce livre ouvre nos yeux, il nous amène à se battre pour sortir de ce cauchemar et de lutter contre toutes les violences et inégalités qu’il engendre. Mais comment évoluer dans une société qui, elle, retourne en arrière ?
Mona Chollet nous induit que oui, nous pouvons exister autrement que par notre physique. Oui, nous pouvons nous débarrasser de l’emprise de l’entreprise de la mode. Oui, nous pouvons exister autrement que par la séduction. Oui, nous pouvons être puissantes sans nous débarrasser de notre féminité. Commençons à ne plus écouter ces complexes, à ne plus dire à nos filles « que grandir, c’est surtout vieillir et devenir moche », à s’éloigner de "l'entreprise de décervelage" de la mode toxique, à nous accepter et à nous aimer enfin pour ce que nous sommes, des femmes.
Le seul point négatif que j'ajouterai serait sur l'impact de cette société sur les hommes, qui souffrent eux aussi de complexes et difficultés que nous ne pouvons nier, que l'autrice n'aborde pas énormément. Pouvons nous cependant reprocher cela dans un livre entièrement sur les femmes par une femme ? Je ne pense pas.
La beauté de chacun est magnifique et unique et mérite d'être admirée mais nous pouvons aussi voir au-delà. Comme le dit si bien Mona Chollet : "Non, décidément, ‘il n’y a de mal à vouloir être belle’. Mais il serait peut-être temps de reconnaître qu’il n’y a aucun mal non plus à vouloir être."