Est-ce que c'est possible de conter plus somptueusement l'atrocité de l'esclavage et l'amour absolu d'une mère pour ses enfants ? L'écriture unique de Toni Morrison, qui entremêle allusions, immersions et rêveries m'a absorbé dès la première page.
Les mots me manquent pour parler de Beloved, c'est un roman qui se vit, qui fait mal et qui vous rend humble, petit, misérable. J'ai adoré les incursions magiques dans un quotidien on-ne-peut-plus réel, extrêmement bien documenté sur les conditions de vie des esclaves noirs américains, sur les évadés et les affranchis.
Chaque paragraphe est magnifique de justesse, de poésie, et même lorsque le sens devient pour moi ésotérique, je m'y suis noyée sans frustration. Le symbolisme, la construction du récit et la psychologie poussée des personnages rendent le récit extrêmement dense mais passionnant. Je n'ai jamais autant ressenti l'empathie d'un auteur pour ces personnages, je n'ai jamais autant aimé relire deux fois un paragraphe pour le ressentir à sa juste mesure. Beloved est un monument mélancolique et débordant de tendresse pour toutes ses femmes et tous ses hommes condamnés à être niés dans leur dimension humaine et intime, un roman magistral.