Toni Morrison, autrice américaine, reçut le prix Nobel de littérature en 1993 - et soit dit en passant elle fut la première femme afro-américaine à en être distinguée.
Son roman "Beloved" est son plus connu, sans doute parce qu'il a été récompensé en 1988 par le convoité Pulitzer, mais aussi et surtout parce qu'il aborde un thème peu exploité en fiction : le sort des esclaves américains à l'issue de la guerre de Sécession.
Quand on évoque cette dernière, on pense surtout à la lutte acharnée entre Sudistes et Nordistes, ou encore à "Autant en emporte le vent". Dans les deux cas, c'est d'abord le point de vue et le regard des Blancs qui servent d'angles de narration. Avec "Beloved", c'est tout le contraire. La parole revient aux Noirs. Et ici il ne sera pas question de la guerre civile américaine - histoire de Blancs - mais de la condition d'esclave.
Si j'ai rencontré quelques difficultés avec la structure narrative façon puzzle, j'ai frémi à la lecture de son contenu. L'inhumanité, la cruauté et l'asservissement qui transpirent à travers ses lignes donnent la nausée. Reflet dramatique d'une des pages les plus honteuses de notre civilisation, le destin de Sethe, l'héroïne, invite à l'empathie et à l'humilité.
Pénétrer au 124 chemin Bluestone, Cincinnati, Ohio, c'est accepter de côtoyer des fantômes et de se confronter à cette question existentielle et philosophique sans réponse : Où commence et où finit l'inhumain ?