Berezina est le troisième livre de Tesson que je lis. Je retiendrai certains éléments très bons et d’autres plus médiocres.
Pour ce qui concerne les points positifs, il faut évidemment saluer la dimension historique de cette ouvrage, à la fois didactique mais aussi émouvante. Le talent littéraire de Sylvain Tesson est mis au service d’un devoir de mémoire, d’un hommage envers la Grande Armée. On apprend beaucoup sur la tragédie que fut la Retraite de Russie, et surtout on visualise l’hécatombe grâce aux mots de l’écrivain. Je citerai ici un passage très évocateur :
« Et les hommes avançaient, par des plaines à fendre l’être. Le froid avait calciné l’espoir, Dieu n’existait pas, le mercure chutait et ils mettaient encore un pas devant l’autre. Fous de souffrance, décharnés, gelés, mangés de vermine, ils allaient devant eux, des champs couverts de morts vers d’autres champs de linceuls. Chaque pas arraché constituait le salut en même temps que la perte. Ils marchaient et ils étaient maudits. »
J’ai également apprécié, comme toujours avec ce bon vieux Sylvain, les critiques acérées dirigées contre la modernité, le consumérisme, l’individualisme et le nihilisme contemporain.
En revanche, et j’en viens ici au côté un peu moins positif de l’ouvrage, j’ai été déçu par le périple en lui-même. Tandis que l’isolement dans une isba en Sibérie (« Dans les forêts de Sibérie ») m’avait fasciné, que la traversée latérale du territoire français (« Sur les chemins noirs ») m’avait envoûté, l’itinéraire Moscou-Paris en side-car m’a quelque peu ennuyé. Oui, c’est dangereux, oui, Tesson et ses camarades ont frôlé la mort plusieurs fois, mais pour le lecteur ce n’est pas particulièrement intéressant ni palpitant.
Malgré cette dernière réserve, Berezina reste un bon livre, grâce à l’écriture de l’aventurier et surtout son hommage sincère aux courageux Grognards.