L'histoire est banale (c'est souvent le cas pour les classiques de la littérature, ce qui explique les films souvent ternes qu'on en fait plus tard) : celle d'un homme qui sort de prison, condamnation qu'il n'a pas volée, et qui décide de mener une vie honnête. Seulement voilà, les rencontres qu'on fait dans ce milieu, ce ne sont pas toujours des enfants de choeur, et l'étonnante naïveté du personnage principal, Franz Biberkopf ne va pas tarder à faire de ses intentions un vœu pieux et de son parcours une descente aux enfers.
Si l'histoire est on ne peut plus banale, le traitement ne l'est pas, assurément. Ce n'est pas tant que, comme dans le Ulysse de James Joyce, la banalité de l'existence soit traitée sur un mode mythologique, mais c'est surtout une narration qui semble tenter de reproduire la cacophonie de la ville. Il est très difficile de rentrer dans ce roman : pour tout dire, le début de ma lecture a été très compliqué, avec des passages entiers que je relisais parfois trois fois. Mais une fois qu'on est entré dans le rythme, dans ce style, cela donne parfois des moments de grâce uniques et alors on se sent récompensé. D'autant que, une fois rentré dans le vif du sujet, c'est-à-dire cette amitié-répulsion entre Franz et le détestable Reinhold, la trame narrative se clarifie, et on peut enfin suivre aisément le fil. J'ai été pris, à un moment, et je n'ai plus lâché.
Roman exigeant, Berlin Alexanderplatz fait partie de ces œuvres pour lesquelles on se dit, tout de suite, qu'on devra les relire un jour. Bien sûr, ses qualités peuvent être des défauts, si on veut des lectures faciles, ou si l'histoire seule nous importe, ce roman ne sera pas (forcément) une expérience agréable.