Il s’agit du 13e roman de l’Anglais Jonathan COE à 60 ans. Le livre est centré (en 6 chapitres) sur la genèse et le tournage de « Fedora » (1978), 26e film à 72 ans de Billy Wilder (1906-2002). D’origine autrichienne (né en Pologne qui faisait partie alors de l’empire austro-hongrois, il fuit Berlin en 1933 après l’incendie du Reichstag et transite par Paris et Londres avant d’atteindre Los Angeles), Billy Wilder est un cinéaste américain (naturalisé en 1934) majeur ayant réalisé de nombreux chefs d’œuvres. « Fedora », qu’il a adapté avec son complice, producteur et scénariste, Iz Diamond (1920-1988), de la nouvelle éponyme (1976) de Tom Tryon (1926-1991), où jouent Marthe Keller (rôle-titre) et William Holden, est peu connu et a eu peu de succès aux Etats-Unis. On peut le considérer comme son film testament [le suivant et dernier, « Victor la gaffe » (« Buddy Buddy ») (1981) étant un remake de « L’emmerdeur » (1973) d’Edouard Molinaro] avec un thème, celui d’une star de cinéma déchue, déjà abordé dans « Boulevard du crépuscule » (« Sunset Boulevard ») (1950). Fedora, actrice qui refuse de vieillir, c’est aussi Wilder qui se sent dépassé par l’arrivée des réalisateurs du « Nouvel Hollywood » [cf. Calista qui va voir successivement à Paris « Taxi driver » (1976) de Martin Scorsese et « The shop around the corner » (1940) d’Ernst Lubitsch]. C’est tout à l’honneur de Jonathan Coe de réhabiliter et/ou mettre en lumière le film. Mais pourquoi en avoir fait un roman (280 pages !) en y introduisant Calista Frangopoulou, personnage fade et naïf, d’une ignorance crasse en matière de cinéma, notamment lorsqu’elle rencontre en juillet 1976, à 21 ans, à Los Angeles, Billy Wilder (70 ans) et devient son interprète grecque et l’assistante de son complice Iz Diamond (56 ans), lors du tournage du film, d’abord à Corfou, à Nydri (Leucade), à Munich (studios Bavaria) puis à Paris ? D’autant que sa vie actuelle (en 2013) est totalement inintéressante (mariée, 2 filles jumelles étudiantes et une carrière intermittente de compositrice de musique de films). Quel ennui ! Bien sûr, Jonathan Coe fait un portrait attachant et sensible de Billy Wilder qui se sent profondément européen [d’où le tournage de films sur le vieux continent en fin de carrière, à l’instar d’autres « exilés » comme Alfred Hitchcock (1899-1980), naturalisé américain en 1955 ou Fritz Lang (1890-1976), naturalisé américain en 1935, tous les trois décédés aux Etats-Unis] et souffrant encore de la disparition de sa mère dans les camps nazis : « Ce sont les pessimistes qui ont atterri à Beverly Hills avec une piscine dans leur jardin tandis que ce sont les optimistes qui ont fini en camp de concentration », « S’il n’y a pas eu d’Holocauste, où est ma mère ? », « Si « Fedora » est un succès, c’est ma revanche sur Hollywood, si c’est un flop, c’est ma revanche pour Auschwitz ». Choix étonnant pour un écrivain qui n’est plus un débutant et qui a écrit la moitié du livre en résidence (2 mois) à Cascais (Portugal). Comme au cinéma, il ne faut pas hésiter à faire court : Jonathan Coe aurait dû se contenter d’une synthèse des 5 livres lus sur Billy Wilder et des échanges qu’il a eus avec ceux qui ont connu et/ou travaillé avec le réalisateur, sans y introduire d’éléments de fiction. Avec une seule scène à garder [sur la route de Mortcerf (Seine-et-Marne) où doit se tourner le suicide de Fedora] : celle de la dégustation de trois bries (de Melun et de Meaux), arrosée de pinot noir, allégorie des petits plaisirs de la vie.