L'histoire de Richard Wright, un jeune garçon noir dans le Sud ségrégationniste des États-Unis, dans le Mississippi, Arkansas et Tennessee des années 30 et 40. Le récit est sans fioriture dans le style, franc et direct, avec une attitude descriptive sans psychologie exubérante, respectant à ce titre le regard de l'enfant qu'il était alors — le récit couvre une période vague qui s'étale de ses 4 ans, avec l'incendie de la maison de sa grand-mère qu'il a provoqué jusqu'à ses 20 ans, avec les premiers espoirs de déménagement dans le Nord, à Chicago, symbole de liberté promise. Un roman autobiographique (au moins en partie) écrit à 35 ans qui donne une représentation du racisme brillant par sa sincérité, par sa pénétration, et par sa capacité à rendre le système d'oppression tangible.
Une description minutieuse de l'enfance, celle d'un enfant marquée par la bigoterie de ses grands-parents, par l'hostilité de son environnement, par la pauvreté, la faim, la débrouille. Black Boy est toutefois d'une remarquable sobriété de sentiments et évite totalement la moindre trace de misérabilisme — alors que le contenu particulièrement intense aurait pu y conduire sans trop forcer. L'expérience de la faim, notamment, est quelque chose qui structure son état d'esprit, sujet de nombreux questionnements (pourquoi ne puis-je pas manger à ma faim alors que les autres enfants le peuvent ?) et d'un conditionnement hallucinant. Le regard qu'il porte sur les manifestations des inégalités raciales est toujours à hauteur d'enfant, avec autant de simplicité que de naïveté, sans excès d'intellectualisation, reproduisant ainsi un système de pensée franchement incroyable, une immersion dans une enfance chaotique à travers laquelle il navigue comme dans une tempête.
Sa débrouille pour trouver du travail et gagner les quelques dollars qui lui permettront de manger et survivre, en passant inlassablement d'une répression à une autre, en dehors des chemins de l'école — son parcours scolaire est on peut plus chaotique et erratique —, tisse une toile de fond qui rythme tout le récit, avec la figure du Blanc oppresseur (dans le contexte des années 30 dans le Sud des États-Unis) qui se dessine progressivement avec une diversité sans cesse supérieure. Le roman a été critiqué pour son mélange de réel et de fiction, mais au-delà de cette question il en résulte le portrait d'un enfant à l'aube de l'âge adulte pétri de blessures et de fardeaux qui auront largement contribué à sa construction. Le façonnage de son identité n'est jamais vraiment explicite mais c'est quelque chose qui se dégage très bien, en prenant du recul. Tout comme la lutte intérieure constante pour savoir quelle réaction adopter ou ne pas adopter en fonction des situations et des interlocuteurs.
Beaucoup de passages marquants, en plus de l'incendie initial : sa relation avec la furieuse Tante Addie, ses altercations avec Oncle Tom, le combat de boxe avec un autre enfant Noir organisé par des Blancs, les assassinats, la relation avec un Blanc qui lui permettra d'emprunter des livres à la bibliothèque, la maladie de la mère, etc. Un récit à la fois violent et nuancé, partagé entre des élans de conscience sûre et d'impuissance face à l'arbitraire, avec toujours en ligne d'horizon l'apprentissage d'une forme de soumission feinte.
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