Un "fond de tiroir" surprenant
Blaze fut écrit en 1972-1973, juste avant Carrie. Après l'avoir relu, Stephen King le trouva complètement "nul", et il resta dans un carton pendant une trentaine d'années. Après quelques corrections, Blaze fut enfin publié en 2008, et le résultat est surprenant : il s'agit d'un roman noir au style assez dépouillé et au rythme haletant, bien loin du style lourd et extrêmement lent auquel l'auteur nous a habitués depuis le début des années 90. On retrouve ici le Stephen King des années 70/80, celui-là même qui transformait en or tout ce qu'il touchait.
Dans ce roman, l'auteur joue pourtant la carte de la simplicité : il nous raconte l'histoire d'un petit voyou un peu attardé qui décide, sur les conseils de son mentor George, de faire un dernier gros coup pour assurer définitivement ses arrières. On parle ici du kidnapping d'un bébé, et à la surprise générale, on se prend vite d'affection pour ce géant simplet, tant son histoire est touchante par bien des aspects (battu par son père, envoyé en orphelinat, puis en prison). Le livre alterne les passages au présent et les flashbacks, et ces derniers sont un véritable régal à lire : Stephen King a toujours excellé dans sa manière de décrire les relations entre enfants (ex : Ca, Dreamcatcher), et il possédait déjà ce talent en 1973. Toutes ces histoires d'amitiés adolescentes dans le cadre d'un internat sont criantes de vérité, et on compatit rapidement devant le sort du pauvre Clayton "Blaze" Blaisdell Junior.
On remarquera que les fameuses voix dans la tête, un thème présent dans la plupart des romans de King, faisaient déjà partie intégrante de son style d'écriture, mais elles sont ici bien mieux amenées que d'habitude. La relation qu'entretient Blaze le géant avec Joe le bébé est également pleine de tendresse : l'auteur a probablement bien observé son premier fils (né en 1972) au moment de l'écriture du roman pour nous faire une description si attendrissante du nourrisson, et dans chacune de ses phrases, on ressent tout l'amour et l'émerveillement qu'il devait éprouver pour son enfant.
Au final, malgré la finesse de la trame principale, Blaze fait partie de ces livres qu'on dévore, et qu'on est triste de quitter une fois la dernière page tournée : ce roman simple aux flashbacks émouvants nous montre que Stephen King n'a pas forcément besoin de la densité narrative d'un Fléau ou d'une Tour Sombre pour que son livre soit réussi.