And I am bored to death with it. Bored to death with this place, bored
to death with my life, bored to death with myself.
"Jarndyce contre Jarndyce", une affaire de succession qui traîne depuis plusieurs générations et qui, en plus de permettre à Charles Dickens de critiquer l'effroyable lenteur et l'incroyable incompétence de la justice anglaise de l'époque, va servir de toile de fond à l'histoire d'une multitude de personnages, de toutes les classes sociales de la société, du lord sûr de son rang et du rang de sa goutte jusqu'au plus misérable gars des rues du plus misérable quartier, dont les destins vont être liés... Oui, vous l'avez compris Bleak House est un roman choral.
Un roman choral qui ne manque pas d'audace puisque l'auteur des Grandes Espérances va y alterner tout au long de son oeuvre deux narrations différentes. Une partie des chapitres est à la première personne, par l'intermédiaire de la protagoniste du roman Esther Summerson, personnage attachant dont la chaleur et la modestie rendent la lecture des chapitres où elle apparaît (tous les chapitres où elle apparaît sont racontés à travers son regard !!!) douce, même dans les moments les plus dramatiques, et émouvante. Ce qui contraste fortement avec le reste, raconté par un narrateur hétérodiégétique et extradiégétique d'une manière réaliste, et donc cruelle, avec souvent des sommets de sordide. Si parfois dans ces parties, l'humour est présent (la tentative de conversion que font le pasteur Mr Chadband et ses interminables logorrhées sur le pauvre garçon des rues Jo est à mourir de rire !!!) mais à ce point cinglant que la décrépitude qui règne dans la Société n'en est que plus relevée.
Comme toujours chez Dickens, les personnages, principaux et secondaires, bons, mauvais ou parasites, sont croqués d'une manière à ce qu'ils soient vraiment vraiment atypiques et mémorables ; et ici on est particulièrement bien servi. Par exemple, comment oublier le grand-père Smallweed, usurier impotent particulièrement cupide qui passe une bonne part de son temps à lancer des coussins sur sa femme complètement sénile. Non vraiment, il n'y a que chez Dickens que l'on peut voir de tels personnages.
On regrettera juste quelques longueurs sur la fin et un rebondissement que l'on voit venir dès le début,
on n'a aucun mal à comprendre qu'Esther est en fait la fille de la mystérieuse et impénétrable Lady Dedlock et d'un certain Nemo.
Mais en-dehors de ces petites réserves, on comprend totalement pourquoi Bleak House, remarquable de densité et de richesse, est considéré comme un des sommets de l'immense Charles Dickens.
There were two classes of charitable people: one, the people who did a
little and made a great deal of noise; the other, the people who did a
great deal and made no noise at all.