Bloody Miami est un pavé, dans tous les sens de terme, de 600 pages, que le lecteur se prend en pleine poire, s'il ne demande pas grâce avant d'arriver au terme d'un ouvrage qui procure les mêmes sensations qu'une virée sur les montagnes russes. Tom Wolfe a enquêté pendant 5 ans dans tous les milieux de Miami avant de pondre ce roman vertigineux aussi excitant qu'agaçant. C'est que, tout en citant ses maîtres, Zola et Balzac, le loup blanc des lettres américaines ne conçoit pas la littérature comme un jeu innocent. Ce qu'il aime, c'est l'excès et les turpitudes de personnages plongés dans un bain acide, l'humidité de la Floride achevant de les rincer, physiquement et moralement. Le roman de Wolfe est moite et Chandon et le lire équivaut à se trouver coincé dans un shaker à cocktails. Secoué de bout en bout. Le grand sujet de Bloody Miami, c'est le communautarisme avec ses confrontations et ses haines qui ne sont pas loin de dégénérer en guerre civile. Les cubains tiennent la ville mais les oligarques russes ont débarqué. Haïtiens et wasps se contentent des miettes de ce melting pot mal digéré et brulant comme de l'acier en fusion, transformé par l'auteur en un gigantesque spectacle qui tourne au cirque absurde. Le livre est décapant et abonde en scènes d'anthologie mais, d'un autre côté, Tom Wolfe ne peut s'empêcher d'en faire des tonnes, se délectant d'onomatopées et usant d'une ponctuation en délire. Si l'on applaudit l'artiste qui, in fine, rassemble comme par miracle toutes les pièces de son puzzle narratif, il faut bien avouer que le livre est épuisant et qu'il donne parfois envie de le balancer par la fenêtre sans autre forme de procès. Sauf qu'il est terriblement tentant de savoir jusqu'où le dandy écrivain ira trop loin.