Bonjour tristesse par Eggdoll
En lisant les critiques des membres de SC sur Bonjour tristesse, je suis assez triste (haha) de constater qu'ils y voient seulement de la légèreté, de l'adolescence, de la simplicité.
Peut-on décemment nier la simplicité de l'écriture, et même de l'histoire ? Non, bien sûr que non. Cependant, il n'y a pas que ça. On peut y voir un savoureux cocktail entre légèreté et fine lucidité, une intelligence désintéressée d'elle-même de l'écrivain qui pour ma part me délecte. Il y a en Cécile l'assomption de la surface, surface qui devient donc fond : le fond se mêle à la forme dans une harmonie parfaite et radieuse. Peut-être que je vous parais obscure. Peut-être suis-je la seule à comprendre ainsi l'oeuvre de Sagan. Peut-être est-ce parce que je me retrouve en Cécile. Mais je suis aussi assez proche d'Anne, ce qui crée une intimité certaine entre moi et le roman.
L'histoire est beaucoup plus complexe qu'on veut bien le croire. C'est entre jeu et réalité, entre manipulation et passion, ce qui crée une ambivalence extrême. Il y a aussi une étude profonde des sentiments, d'une vérité et intensité passagères qui n'enlève rien à leur être. La petite Cécile passe aux yeux du personnage d'Anne pour une jeune insouciante, et aux yeux du lecteur comme empreinte d'une subtilité, d'un recul sur elle-même impressionnant, d'où dès lors un jeu supplémentaire avec le lecteur en question, servi par une écriture tout en retenue, d'une grâce simple qui laisse entrevoir la finesse de la réflexion.
C'est aussi un roman intelligent, cruel, amoureux, qui se dévore en peu de temps. La fin est terrible et d'un réalisme cru, que tous peuvent sans doute comprendre mais qui n'en reste pas moins choquante - une oeuvre accessible donc, mais qui n'est pas si simple qu'on voudrait le faire croire. Ici la légèreté est une forme de profondeur rare et autotélique, la simplicité un ornement travaillé et sublimé, l'adolescence bien moins pâle que ce qu'on en voit habituellement.
Je n'ai lu de Sagan qu'une autre oeuvre, Un Certain Sourire, dont je n'ai pas goûté à l'époque tout le sel. Il faudrait que je le relise un jour, et que je relise du Sagan, qui sous ses airs de doux scandale un peu refroidi maintenant est fascinant.
[NDLR : j'ai dû réécrire ma critique (vu que je l'ai perdue), que je trouvais superbe au début et dont je suis du coup maintenant assez mécontente. Je demande votre indulgence.]