Commençons très fort !
Les Hominoïdes comprennent les Hominoïdés et les Hylobatidés (Gibbons)
Les Hominoïdés comprennent les Hominidés et les Pongidés (Orangs-outans)
Les Hominidés comprennent les Homininés et les Gorillinés (Gorilles)
Les Homininés comprennent les Hominines et les Panines (Chimpanzés)
Les Hominines comprennent les Australopithèques et les Homo…
Mais rassurez-vous, ce classement est TRÈS simplifié ! J’ai voulu l’écrire dès l’introduction, pour fixer les idées, car l’auteur parle tantôt des Hominidés (vieux terme, très galvaudé…), tantôt des Hominines, de quoi s’y perdre… enfin, moi, parce que je suis un primate primaire qui a des lectures quelque peu bizarres, non ?


Comme habituellement pour ce genre d’ouvrage, il ne s’agit pas, ici, d’un commentaire, encore moins d’une critique (pour qui me prendrais-je ?), mais d’un compte rendu à l’usage des curieux qui n’auraient pas le courage de lire le bouquin. Pour ceux qui n’ont pas envie de s’atteler à une longue chronique, inutile d’aller pas plus loin !


Antoine Balzeau est paléoanthropologue, chercheur au CNRS et au Muséum national d'Histoire naturelle, au sein de l'UMR 7194 (unité mixte de recherche) « Histoire naturelle de l'Homme préhistorique », et travaille au Musée de l'Homme à Paris. Spécialiste du crâne des Hommes préhistoriques, il étudie tout ce qui est caché à l'intérieur grâce à l'imagerie 3D. Il est ainsi spécialiste de l'évolution de la forme du cerveau.


Posez la question autour de vous : « L’humanité fait-elle partie du règne animal ? » Oh My God !
Et pourtant, c’est une fois acceptée l’idée que l’humanité faisait bien partie du règne animal, que les espèces humaines ont été considérées comme des groupes biologiques, comme pour tous les autres taxons du vivant.
Quant aux pauvres bougres qui refusent obstinément l’"évolution", alors que « L’évolution, elle, n’est pas une doctrine, c’est une théorie. Il n’y a pas de meilleure explication scientifique à ce qui s’observe dans la nature aujourd’hui », ils sont inconscients de leur ignorance, ils croient pouvoir opposer l’absence de fossiles qui devraient illustrer les étapes successives de cette soi-disant évolution, comme si celle-ci devait présenter des stades qui se seraient suivis les uns après les autres.
Or la fossilisation est un phénomène exceptionnel où les tissus sont remplacés par des substances minérales, pétrifiés au sein de la roche sédimentaire. Il s’agit d’un phénomène rare. La découverte d’un témoin préhistorique est toujours un événement. Il est stupide de croire que les fossiles de tous les individus qui se sont succédé sur Terre pourraient être trouvés. La plupart des corps disparaissent naturellement, et si par chance des restes se fossilisent, encore faut-il qu’ils échappent à la destruction, puis qu’ils soient découverts.


Enfin, il faut bien comprendre qu’il n’y a pas une mais de nombreuses espèces qui racontent aujourd’hui les débuts de l’histoire de l’humanité. Et ces espèces ne se succèdent pas : elles ont souvent cohabité.


« Une espèce ne voit pas le jour quand une autre disparaît. En réalité, il faut imaginer qu’au sein d’un ensemble biologique, un petit groupe peut se retrouver à l’occasion isolé du reste de la population […] c’est ainsi qu’une nouvelle espèce peut théoriquement naître.
Corollaire de cette explication, la nouvelle espèce ne "descend" pas de celle dont elle est issue. En effet, elle n’en représentait qu’une petite partie et elle s’est transformée pour finalement être distincte de la première. Autre implication, ces deux taxons peuvent toujours cohabiter.
»


Et donc, si on comprend bien ce qu’a voulu dire Antoine Balzeau, la conséquence est sans appel : on ne peut plus parler de « chaînon manquant ». Il ne peut avoir de réalité paléontologique, « Le "chaînon manquant" ne sera jamais trouvé, que ce soit l’ancêtre commun aux humains et aux chimpanzés ou le tout premier primate. »


J’en demande pardon à toutes nos adorables compagnes… mais nous sommes tous des primates, « D’un point de vue génétique, l’ADN humain est similaire à 98,8 % à celui du chimpanzé. » Les chimpanzés utilisent des outils : des pierres comme marteaux, des brindilles pour récupérer des termites. Ils ont une compréhension approfondie de la pharmacopée qui les entoure. Lorsqu’ils sont malades, les individus sauvages ingèrent des plantes qu’ils ne consomment pas d’habitude et qui produisent de réels effets thérapeutiques. Enfin, ils enseignent ce qu’ils savent à leurs semblables par imitation. Peu de choses nous séparent de nos compagnons Homininés.


C’est là qu’intervient la théorie de l’East Side Story, si belle et si séduisante.
Il y a une dizaine de millions d’années (hier), à la suite de réchauffements climatiques (Promis, juré, on n’y était pour rien, cette fois ! On n’était pas là !), l’Est de l’Afrique se transforme, les forêts tropicales reculent, les savanes gagnent du terrain, à cause du rift, cet ensemble de failles, de montagnes et de vallées, qui forme une grande cicatrice Nord-Sud. Ainsi, les températures demeurent chaudes et humides à l’ouest, alors que le temps s’assèche à l’est. Les primates de l’Est se trouvent privés d’arbres ! « C’est ainsi qu’est justifiée l’apparition des hominines. S’ils deviennent humains en se redressant […] Être debout serait une protection contre les prédateurs et serait utile pour se mouvoir plus facilement. » C’est beau, c’est simple, c’est clair, c’est évident… mais voilà, la mariée était trop belle et c’est ce que j’aime dans la science, elle est toujours prompte à se remettre en question. Rien n’est écrit définitivement, il suffit d’un nouvel élément et tout est remis en cause.


C’est là que notre arrière-grand-ancêtre, vient mettre le bazar, il répond (façon de parler) au doux nom de Toumaïespoir de vie, en langue gorane – son crâne fut découvert au Tchad à 500 km à l’ouest du rift (par Michel Brunet, paléoanthropologue à l’université de Poitiers), ainsi que quelques bouts d’os (on va en reparler), le tout âgé de 7 millions d’années… En 2001, Brunet et son équipe publient un article qui sonne la fin de la théorie de l’East Side Story et annonce le Sahelanthropus tchadensis, Toumaï. Ce spécimen a tous les signes d’un primate bipède, un hominine.


Alors là, ça me rappelle quelque chose… une polémique, une sombre histoire de fémur… « le fémur de Toumaï ! » (On parle bien du nez de Cléopâtre !) :
En octobre 2020 j’ai lu le livre de Eric Pincas, "La préhistoire - Vérités et légendes",
https://www.senscritique.com/livre/La_prehistoire_Verites_et_legendes/critique/231589253
Je viens de relire mon commentaire, je vous le recommande, il y est question du fameux fémur, un bel exemple de ce qu’il ne faut pas écrire…
En novembre 2020 Sciences & Avenir publiait un article mettant en cause la bipédie de Toumaï :
https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/une-etude-inattendue-suggere-que-toumai-marchait-a-quatre-pattes_149301
En août 2022, Sciences & Avenir publiait à nouveau un article rétablissant la bipédie de Toumaï :
https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/paleontologie/analyse-du-fossile-de-sahelanthropus-tchadensis-le-prehumain-toumai-etait-bien-bipede-et-grimpait-aussi-aux-arbres_165753


Bon, on laisse tomber le fémur. Après tout il n’est pas scientifiquement prouvé que ce soit celui de Toumaï ou de son frère. Et on revient à son crâne. Il a une drôle de tête, le camarade, complètement déformée et en miettes ! Chaque fragment a été numérisé et virtuellement reconstruit en 3D, puis recollé numériquement avec minutie pour obtenir un travail de haute précision qui laisserait ce brave Toumaï béat d’admiration ! Et… on n’a d’yeux que pour le trou… (Non, pas le trou noir, ça c’est dans un autre bouquin !) le trou de l’os occipital, le "foramen magnum" pour faire savant, c’est l'orifice de communication entre le canal vertébral et la boîte crânienne. « *Chez un primate bipède, un hominine donc, l’articulation est en dessous du crâne et une direction horizontale » et là ça change tout ! Ce qui fait dire à Antoine Balzeau :
« J’ai eu la chance de voir le travail de restauration effectué sur ce fossile. C’est un ouvrage de qualité, qui laisse peu de place au doute : la base reconstituée est indiscutablement celle d’un bipède, comme le reflète aussi la forme du cerveau.* »


Pas question de quitter les Australopithèque sans évoquer la Star tchadienne, celle que l’on a longtemps considérée comme notre très-arrière-grand-mère (-6 Ma), j’ai nommé Madame LUCY « C’est ainsi que s’est construite l’image de Lucy, haute d’à peine plus d’1 m et morte enceinte, noyée dans une rivière déchaînée. » Telle est sa légende…


Passons rapidement sur les Paranthropes (de -2,5 Ma à -1 Ma), encore des cousins, pas si éloignés que ça, du genre "robustus", si vous voyez ce que je veux dire…


Homo erectus, un sacré randonneur ! Entre -2 Ma et -100 000 ans, sans doute d’une plus grande adaptabilité que les Australopithèques et les Paranthropes, on le retrouve sur plusieurs dizaines de milliers de kilomètres depuis l’Afrique du Sud jusqu’à Java. Le plus fondamental, dans ce constat, est que ces humains sont les premiers à avoir conquis tout l’ancien monde au-delà de leur continent d’origine. Il faut évidemment relativiser l’importance des déplacements, il n’était probablement pas question d’un exode mais d’une simple expansion de leur zone de vie qui, de génération en génération, sur des milliers d’années, s’est traduit par des périples de plusieurs milliers de kilomètres.


Waouh ! C’est assez rigolo (!?), je veux dire, la paléoanthropologie est assez rigolote : pour définir l’espèce Homo heidelbergensis on cite une mandibule découverte à Mauer, en Allemagne en 1907 (-600 000 ans), un os pariétal dans les Pyrénées-Orientales, un fémur en Angleterre, un os occipital en Hongrie, un crâne en Allemagne, un autre os occipital (une pièce de rechange ?) en Angleterre et d’autres fragments en Espagne et en France… Voilà un drôle de particulier qui sème à tous vents des petits morceaux aux quatre coins du continent, parions qu’à l’arrivée il sera mal en point ! Un jeu de piste pour scientifiques méticuleux …


Aller, vous l’attendez depuis longtemps, il est partout, ou presque, là où mammouth "casse la croute" (plusieurs centaines de kilo de végétaux par jour), Homo neanderthalensis est présent ! De Gibraltar au nord de l’Allemagne, du centre de l’Angleterre à la Sibérie, D’Israël ou d’Irak à la Chine… un nomade qui se déplaçait au gré des conditions climatiques de -400 ou -300 000 ans à -30 000 ans environ.


Retenons que le concept d’espèce n’est pas une réalité dans la nature, mais bien un concept inventé par l’homme, dans notre souhait d’étudier ce qui nous entoure. Rappelons que des animaux d’espèces distinctes peuvent se reproduire entre eux et avoir des petits fertiles. C’est le cas des ours polaires et des grizzlis, et même de primates de genres différents (tels le singe lion et le babouin olive qui sont dans la nature interféconds). Dans ce contexte, le cas de Néandertal est particulièrement intéressant « Certains argumentent que ces humains n’ont pas disparu puisqu’ils nous ont légué 2 % de leurs gènes. »
Et puisqu’on parle métissage, vous connaissez Denny ? Une toute jeune fille de 90 000 ans qui nous a laissé un bout d’os (la joie du paléoanthropologue !) dont l’ADN a révélé qu’elle avait une mère Néandertalienne et un père Dénisovien ! Une métisse de première génération qui remplit d’extase nos scientifique comblés…


J.R.R. Tolkien serait-il passé par là et invité Bilbo… Bilbo le Hobbit alias « l’Homme de Florès » alias LB1. Ses restes proviennent de la grotte de Liang Bua (95 000 ans), sur l’île de Florès, en Indonésie. Ils sont tellement particuliers qu’une espèce fut inventée pour lui, Homo floresiensis. Cette espèce, ses caractéristiques (toute petite stature – 1,06 m – et cerveau de la taille d’un pamplemousse) et ses compétences (fabrication d’outils élaborés et potentielle capacité de navigation) étaient totalement inattendues.
D’autant plus inattendues que l’île a toujours été une île et que sur un autre site on a découvert des restes humains de 700 000 ans très similaires à LB1 ce qui montre que des humains ont peuplé des zones difficilement accessibles bien avant l’arrivée d’Homo sapiens.


Est-ce qu’un jour de spleen vous vous êtes posé la question, apparemment stupide : "Pourquoi ai-je un menton ?"
« Il n’y a, semble-t-il, aucune explication biologique, fonctionnelle ou comportementale qui justifie à elle seule l’apparition du menton. »
Eh bien, il devrait, car c’est le fruit de l’évolution ! Malgré tout, il n’y a pas d’explication le concernant. Ainsi, un menton est bien une apomorphie (tout caractère dérivé, souvent considéré comme évolué) d’Homo sapiens au sein des hominines.
Dans la nature, il n’y a pas de progression, de perfectionnement, il n’y a que de l’adaptation. Ainsi, notre espèce n’est pas une version perfectionnée qui fait suite aux autres espèces humaines.


On va essayer de répondre à la question que "tout le monde" se pose : « d’où vient Homo sapiens ? »
Rendons cet hommage à l’auteur de signaler les deux scénarios généralement proposés : soit l’« Out of Africa », soit le modèle « d’évolution multirégionale ». Pour ne pas surcharger un texte déjà lourd on ne va garder que le premier schéma « Il propose qu’Homo sapiens est apparu entre il y a 300 000 et 200 000 ans en Afrique, puis s’est ensuite dispersé sur le reste du globe. » Ainsi a-t-on trouvé en Éthiopie des fossiles datés d’environ 200 000 ans dont la morphologie appartient incontestablement à Homo sapiens. Ce n’est qu’ensuite que l’espèce est documentée en dehors du continent africain.
En outre, cette conclusion est confortée par la génétique des populations d’aujourd’hui. La zone d’origine d’une espèce a la plus grande diversité génétique car les migrants n’emportent avec eux qu’un sous-ensemble de gènes, plus ou moins diversifié selon la taille du groupe. Il apparaît justement que les groupes humains en Afrique aujourd’hui ont une diversité génétique plus importante que les peuples des autres continents.


Avant de chanter COCORICO ! Répétons en chœur « Homo sapiens est une espèce d’hominine parmi tant d’autres […] Homo sapiens n’est pas plus évoluée que les autres taxons de notre famille proche. Elle est simplement celle qui occupe la surface de la Terre aujourd’hui. »


Rappelez-vous que, comme les "piétons" précédant, Homo sapiens n’est pas un envahisseur, il élargit seulement sa zone de vie. On trouve des traces en Israël (180 000 ans), aux Émirats arabes unis (125 000 ans), en Chine (70 000 voire 100 000 ans), en Australie (65 000 ans), en Amérique du Nord (30 000 ans), on sait même qu’Homo sapiens naviguait déjà il y a plus de 50 000 ans dans l’océan Pacifique.
Les premières traces indiscutables en Europe remontent à 45 000 ans (Bulgarie).
…Et sur la Lune le 21 juillet 1969, dans le cadre de la mission Apollo 11…


Je vous laisse découvrir le chapitre sur l’Art, sous toutes ses formes, qui pose plus questions qu’il ne donne de réponses. À méditer. Mais on y découvre une mauvaise idée reçue : on a certainement le grand tort d’ignorer l’Art néanderthalien…


Je laisserai à l’auteur le soin de conclure car son message sera infiniment plus pertinent que tout ce que je pourrais exprimer :
« Collectivement, nous sommes capables de faire Internet, de construire un immeuble, d’envoyer quelqu’un dans l’espace ou sur Mars. Mais aucun d’entre nous ne saurait seul fabriquer un ordinateur, faire rouler une voiture ou produire un hamburger. Personne ne pourrait fabriquer, assembler, faire fonctionner par ses seuls actes et connaissances ces objets. Je suis intimement convaincu qu’un Néandertalien d’il y a 40 000 ans, un représentant de notre espèce de la même époque, et moi avons des capacités intellectuelles similaires, une intelligence du même ordre. […] Nous ne sommes pas les êtres vivants les plus intelligents ayant existé. Mais aucun autre, pas une espèce humaine, n’a su développer une telle aptitude à emmagasiner le savoir et à le transmettre. Jamais les connaissances n’ont été aussi nombreuses et facilement accessibles […] Cela est probablement la principale et unique caractéristique d’Homo sapiens par rapport aux autres espèces humaines. »

Philou33
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le 19 nov. 2022

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