Je suis toujours enthousiaste à l’idée de lire le nouveau livre d’un·e écrivain·e que j’aime. Je n’avais pas relu de new romance depuis cet été, pris par la rentrée littéraire, et me suis donc plongé avec entrain dans ce nouvel Ali Hazelwood. Au début, j’ai pesté. Je me suis dit qu’elle écrivait toujours la même chose, qu’elle appliquait sa recette à chaque fois et que j’en avais marre : une héroïne solitaire et peu sûre d’elle, un ennemies-to-lovers, un homme grand et mystérieux qui semble la haïr pour d’obscures raisons alors qu’il est en fait fou amoureux d’elle (j’ai appris qu’on appelait ça dans le jargon technique : he falls first, she falls harder). Et en un sens, c’est vrai : Bride ressemble par certains aspects à ses autres romans. Mais j’ai persévéré, porté par les deux grands atouts de cette écrivaine (son style et son humour), et à la sortie, je ne suis pas déçu.
On retrouve tous les ingrédients habituels d’Hazelwood appliqués cette fois à un univers fantasy. Misery Lark, fille du chef des vampyres, épouse Lowe Moreland, chef des loups-garous (alpha), afin de sceller une alliance entre peuples ennemis. Misery était déjà otage chez les humains, elle n’a jamais trouvé sa place (grand thème de la littérature jeunesse, récurrent chez Hazelwood), n’a jamais connu l’amour, et va évidemment trouver les deux dans les bras musclés de Lowe. Là où l’autrice est vraiment maligne, c’est qu’elle réemploie ses propres tropes caractéristiques avec habilité : le personnage de la meilleure amie, un classique chez elle, est ici employé comme moteur de l’intrigue puisque Serena a disparu. On apprend au fil du récit que Misery la cherche, et n’a accepté ce mariage que pour enquêter sur son propre mari qu’elle croit lié à la disparition de Serena. Sauf que non, et le roman passe de l’enquête à la fantasy plus traditionnelle, explorant les relations géopolitiques entre vampyres, loups-garous et humains.
Je continue à penser que Love, theoretically, son troisième roman, était le plus ambitieux littérairement et abouti. Bride, qui relève d’un sous-genre que je découvre, la romantasy, me semble aussi très réussi. Je ne suis pas au fait de l’actualité de la littérature fantasy et débarque en plus dans un nouvel univers de référence dans lequel le roman semble s’inscrire, l’omegaverse ; tous ces développements sur le « nœud » et l’incompatibilité anatomique sexuelle des loups-garous et des vampyres m’ont laissé un peu perplexe. Je dois manquer de contexte – et heureusement, on m’avait prévenu. En revanche, sur la romance, je persiste à croire qu’Ali Hazelwood est excellente. Ses personnages sont moins caricaturaux et plus complexes que dans ses romans précédents, surtout l’homme, qui est ici un vrai personnage et pas seulement une montagne de muscles, une voix très grave et un énorme sexe. Il y a de belles notations (« … et son souffle réchauffe mon ventre à travers le tissu de ma robe, et je suis toujours seule, toujours différente, toujours en grande partie livrée à moi-même, mais peut-être un peu moins que d’habitude », p. 266), de belles scènes de sexe (un peu trop), et on sent une forme de maturité de son écriture, plus retenue et maîtrisée qu’avant. L’autrice explicite son projet littéraire à la fin, par la bouche de sa narratrice :
Nos différences sont criantes, même au niveau le plus basique, le plus fondamental. / Mais je m’en fiche. Lui aussi. / - On va essayer alors. C’est l’essence de toute relation en fin de compte. Rencontrer quelqu’un et vouloir être avec cette personne plus qu’avec n’importe qui et faire en sorte que ça marche. (p. 425)
Voilà, c’est donc ça : qu’elle écrive sur des vampyres et loups-garous, des joueurs d’échecs ou des scientifiques (des gens bizarres, en somme), Ali Hazelwood parle d’amour et du mystère fondamental de l’alchimie entre deux êtres, ontologiquement différents. Et contrairement à beaucoup d’autres, elle le fait toujours très bien, se renouvelle et s’améliore de livre en livre, alors pourquoi bouder son plaisir ?