Mis en retraite forcée de la vie politique, Cicéron, qui a choisi le camp anti-césarien pendant la guerre civile, désespère devant le triomphe de son adversaire, et cherche à tromper son ennui en retournant à ses chères études.
Sous la forme un peu molle d'un dialogue avec deux de ses amis, Atticus et Brutus, Cicéron peint un tableau chronologique de l'éloquence romaine depuis les origines jusqu'à son époque. Un peu molle, car ni Atticus ni Brutus ne contredisent jamais Cicéron, se contentent de l'approuver ou de lui demander des précisions. On est loin du dialogue platonicien, que Cicéron cherchait à imiter de loin, de sa dialectique et de sa densité.
Inspiré par le cadre chronologique d'un bréviaire de l'histoire romaine que son ami Atticus lui avait adressé récemment, Cicéron répertorie un très grand nombre d'orateurs de divers mérites, en caractérise succinctement la manière et les vertus, et met en valeur quelques artistes de première grandeur auquel il se réfère souvent: Caton l'Ancien, Crassus, et Hortensius, le talentueux rival de Cicéron, qui venait de mourir. On est un peu surpris de l'éloge parfait qu'il donne de l'éloquence de César, son adversaire: c'est l'un des rares auxquels il ne trouve rien à reprocher.
A travers ces portraits, Cicéron dégage quelques traits dominants des qualités que doit posséder un orateur, et débouche - partiellement - sur une théorie et une pédagogie de l'art oratoire. Mais, au total, on est bien loin de la richesse incomparable et du raffinement analytique d'un Quintilien.
Evidemment, vaniteux comme il l'est, Cicéron se pose inévitablement en point culminant de l'art oratoire de l'histoire romaine (la postérité a entériné ce jugement). On a bien le droit de se consoler comme on peut des malheurs du temps, et de quêter gloire et autosatisfaction dans un auto-encensement qui paraît tout naturel à notre auteur.
Le côté très énumératif de ce traité lui confère surtout une valeur documentaire. Restent le style et la voix inévitable du grand républicain romain, qui réussit à incarner l'idéal de l'orateur.
La traduction de François Richard allie fidélité et élégance, et excelle dans les transposition en français d'expressions idiomatiques propres au latin.