J'avais bien aimé Crépuscule Ville. Là, je suis déçu.
La quatrième de couverture annonce la critique d'une nouvelle norme sociale, qui voudrait que chacun, ou beaucoup, cherche la gloire et la richesse, seuls horizons désirables pour la "nouvelle" génération.
Lolita Pille n'arrive jamais à dépasser le stade de l'anecdotique.
Son histoire est trop caricaturale, tout comme ses personnages. Elle ne raconte rien d'universel, on reste au niveau des deux narrateurs, Manon et Derek, qui jamais ne sont représentatifs d'une génération ou d'un phénomène social.
Il semblerait que l'auteure veuille montrer l'égotisme et l'égocentrisme de ces deux-là, en effaçant de leurs pensées la moindre considération et la moindre réflexion sur les autres personnages. Pire, en effaçant la moindre interaction réelle et vivante avec l'environnement. Chacun à sa manière, ils sont totalement seuls. Le problème, c'est qu'ainsi, ils n'appartiennent pas au monde. Ils sont en suspension dans un univers vide. Il n'existe aucun lien entre eux et une réalité que l'auteure ne montre jamais.
Je pense ici à une scène d'American Psycho, lors de laquelle l'auteur compare sa carte de visite à celles de ses comparses yuppies. Très simplement, Ellis dit quelque chose de ce milieu. Et la folie de Bateman est d'autant plus flippante, qu'elle s'inscrit dans un univers tangible.
C'est là l'erreur fatale de Lolita Pille: l'auteur fantastique depuis le 19ème siècle, introduit des éléments de naturalisme pour produire son effet.
Détachés de tout lien avec le monde, Manon et Derek deviennent ennuyeux et évanescents, leurs délires n'intéressent pas. De plus, ils correspondent en tous points à l'idée qu'on pourrait s'en faire a priori: la jeune gourgandine quittant sa province glauque pour "réussir" ne nous surprend jamais, elle suit une trajectoire linéaire et téléphonée. Tout comme le milliardaire blasé et défoncé, tellement plat dans sa déprime, qu'il pourrait au cinéma être incarné par Tom Cruise.
Lolita Pille aime visiblement Bret Easton Ellis. Mais elle n'en a visiblement pas saisi toute l'étendue. Sa tentative de palimpseste, de mix entre American Psycho et Glamorama, tombe à plat, faute d'avoir quelque chose à dire.
La note est supérieure à ce que ma critique semble annoncer, par l'effet du style fluide, agréable et assez personnel de l'auteure.