Il est important de préciser que je ne suis pas un fan de King, et que, allez savoir pourquoi, je cataloguais ces œuvres dans de la lecture adolescente (de bas niveau). J'ai peur que ce préjugé soit véhiculé par les médias, une certaine classe intellectuelle, et aussi certaines adaptations visuelles reléguées au mieux à la série B. C'est se tromper sur la marchandise que de garder ces idées reçues à l'esprit, et il est important d'aborder cette oeuvre, vierge de tout ces "bruits" qui parasiteraient la lecture et le ressenti.
Ca est une grande oeuvre sur l'enfance. Grande dans la densité et richesse de son univers, il est ainsi intéressant de noter que la créature ne fait son apparition que 2/3 fois dans les 200 premières pages, on est loin de l'horreur vendu à tout bout de champ. King prend son temps pour poser ses personnages, ses ambiances, car il y a deux récits croisés, l'un concernant les enfants dans la fin des années 50 et l'autre ces mêmes individus 27 ans plus tard au milieu des années 80. Le second récit est d'ailleurs beaucoup moins intéressant, il n'existe que grâce à l'écho qu'il représente à son versant dans le passé qui lui est passionnant. En effet, nous suivons les vacances d'été de 7 enfants américains dans une petite bourgade dénommée Derry de la nouvelle angleterre.
Cette ville est un personnage à elle toute seule, tant elle est liée à la créature et aux personnages. Le parcours de ces enfants durant cet été est bercé de violence, d'amitié, de peur et d'amour. Cela peut paraître un peu bateau, mais là est la véritable qualité de Ça, c'est dans la description toujours juste d'un quotidien de l'enfance. La créature n'est finalement qu'une prétexte pour développer un éventail d'émotions que nous avons tous ressenti durant la période qui précède l'adolescence.
Il y a une forme d'universalité dans ces parcours dont le réalisme permet de mieux introduire la part de fantastique. Ainsi, les deux aspects réalistes et fantastiques se mêlent malicieusement, illustrant la part de magie et d'innocence du regard enfantin
qui au final a par exemple autant peur du pharmacien si ce n'est plus que de la terrible créature
.
Ce qui frappe aussi, c’est la densité de l’univers, chaque personnage, même secondaire est développé, et l’auteur s’amuse à jongler avec ces 2 temps de narration (voir plus si l’on inclus certain flashback), on suit ainsi plusieurs génération de personnages secondaires liés par le sang par les massacres perpétues dans l’histoires de Derry.
Et comment, à cette lecture ne pas identifier ce qui est certainement une source d'inspiration pour pas mal d'oeuvre tel que le récent "Stranger Things" ou une certaine partie du cinéma 80's. Il est aussi important de noter qu'au fond, en plus de la mélancolie vis à vis de l'enfance qui s'y dégage, il exprime aussi un terrible constat qui est l'horreur non fantastique de ces enfants, entre la cruauté brute de Henry, la mère hyper-protectrice en devenant étouffante, le père vicieusement libidineux, les parents ne sachant affronter le quotidien féroce, c'est aussi et surtout cela qui va dévorer les enfants qui seront faire face avec panache à l'horreur fantasque et fantasmée mais pas à ces défis plus terre à terre et pourtant tellement plus insidieux dans leur corruption de la naïveté de l'enfance. C'est aussi ça Ca.
Bref une oeuvre intéressante qui nécessite d'y porter un regard vierge et un peu naïf, et d'avoir encore une part d'enfance au fond de soi.