... Il a écrit un récit où tout est délirant en réalité.
Je me suis lancé dans lecture de ce conte-ci malgré certains préavis négatifs, étant donné que j'avais détesté L'Ingénu, mais si j'avais réellement su ce dont il s'agissait réellement. Alors que dans ce dernier on parle d'un sauvage qui découvre le monde occidental et le critique dans toutes ses formes, remettant ainsi en cause la monarchie et tout le tralala, qui m'a lassé par une construction ennuyeuse j'ai trouvé, ici, c'est l'exact inverse, c'est un occidental qui va parcourir le monde. Mais comment peut-on expliquer que cet oeuvre m'a plu et pas l'autre ? Parce que Candide ou l'optimisme est délirant.
En effet, on va suivre les aventures d'un jeune westphalien qui a toujours vécu dans un château de cette région d'Europe, destinant ses journées à recevoir une éducation d'un certain Pangloss, et à s'amuser avec sa douce Cunégonde. On lui apprend que par la philosophie de son maître tout est au mieux dans le meilleur possible des mondes... C'est là le point de départ à la réflexion du conte. Déjà, c'est très intéressant comme réflexion, et propose de voir les choses d'une manière assez inattendu. Mais alors que se passe-til ? Candide va être chassé du château et va devoir alors être contraint à intégrer l'armée, s'enfuir, souffrir, rencontrer du monde, discuter, philosopher, s'enrichir, survivre.... Alors qu'il vivait dans la plus belle naïveté du monde, il va découvrir les joies mais surtout les désillusions, faiblesses et mesquineries du monde et du diable.
Ainsi nous allons voir tout le monde tel qu'il est possible, c'est-à-dire partout (Prusse, Portugal, Paraguay, El Dorado, Venise, Turquie), mais aussi de tous (les domaines) (guerre, catastrophes, richesses, plaisirs, vols, amours, violences, ironies, hiérarchies). Ainsi, une tonne de sujets est mis en valeur, sans que cela semble trop lourd. Dénonçant par la même occasion toute l'hypocrisie possible de l'époque, la valeur des choses ridicule, la guerre comme une absurdité, ses différents rivaux philosophes, et plus globalement, les contes et romans niais et ridicules, puisqu'il s'agit en fait d'une parodie même ce Candide.
Donc, c'est délirant dans son exhaustivité, mais c'est surtout délirant dans ces drôleries et autres absurdités qui peuvent paraître parodiques. Tout d'abord, la naïveté de Candide fera un comique de caractère complètement fou et succulent. A force de répétitions dans ses dialogues, ses coups de chance qu'il ne peut pas comprendre, ses joies immenses qui dégringolent les instants qui suivent, le personnage devient attachant et drôle à force. Ou du moins plaisant (car difficile de rire et lire d'un livre, sauf si c'est fait vraiment et uniquement pour). Mais ce n'est pas que ça (et heureusement). Les discussions et dialogues sont amusantes à souhait. La réflexion continuelle sur le bien, le mal, pourquoi le monde, ont parfois des conclusions absurdes, et permettent de lâcher un ricanement. Mais c'es drôle dans sa construction...
Ainsi, la structure du roman surprend, divisé en 30 chapitres, chacun constitué d'une partie précise et qui ne peut se mélanger au reste. Pourquoi c'est drôle ? Car les titres de ces chapitres et décrivent ce qu'ils s'y passent peuvent spoiler même le lecteur, les chapitres se moquent en fait eux-même des personnages. Etrange sensation, mais quand les chapitres nous expliquent ce qu'il va arriver et amplifient notre attente, renforçant notre envie de découverte et au final de rire de ce que l'on lit. Mais surtout, c'est délirant aussi dans sa structure où ça n'a pas de sens. L'histoire semble s'enchaîner aussi rapidement, on se pose des questions sur comment c'est possible, mais c'est absurde et drôle. Quand on nous conte les histoires de Cunégonde ou de la Vieille, c'est tellement délirant, et horrible, que l'on a du mal à croire ça. Et c'est clairement impossible. Mais Voltaire ne s'en lasse pas et surenchère toujours, ce qui au final est d'un comique noir des plus intéressants. Mais en plus, par la suite de l'histoire, quand Candide part pour Istanbul...
Et que sur leur chemin, ils vont retrouver le baron et Pangloss qui sont morts et réellement morts, mais sont là, bah, c'est absurde, mais tellement génial : Voltaire prenait quelque chose, je vous le dis.
Avec tous ces éléments, le délire est perpétuel.
De plus, cette délirance s'amplifie par le rythme qui est assez rapide. Certaines scènes peuvent sembler longue et chiante, je l'admets, mais Candide va vite, on ne s'attarde que sur ce qui est important, on ne développe pas plus les lieux si inutiles, donc Voltaire sait faire la part des choses. Un dynamisme transmet ce désir de parodier un peu tout, d'exagérer ce qu'il faut, etc.
Toutefois c'est un délire ancré dans le temps et respecté chronologiquement. Pour appuyer tous les arguments implicites de Voltaire, et les réflexions compliquées des philosophes du roman, de nombreux événements sont cités dans le livre et Candide y prend part malgré sa volonté. Bien entendu, nous ne sommes pas au courant, mais les annotations sont très utiles (il faut noter que je pense avoir eu une édition particulièrement bien faite, et a influencé mon avis).
Je ne vois qu'assez peu de défauts véritables à l'ouvrage, avec un mot d'ordre : un délire implicite et explicite. En montrant l'évolution de Candide qui va croire au meilleur du monde, se transformera face aux malheurs du monde, en rencontrant des personnages qui l'influenceront, pour au final montrer que cette réflexion était inutile : il faut occuper son temps. C'est tout.
C'est pourquoi je considère que Voltaire a déliré avec son oeuvre, en y mettant ses références, ce qui lui passait par la tête, et pourtant, c'est tellement bien fait. C'est sûr qu'il a cultivé son jardin de sa tête.