En 1873, Grace Marks est condamnée à perpétuité pour le meurtre de son employeur et de la gouvernante. Elle est incapable de se souvenir des faits précis et des circonstances de la mort de deux personnes. Tous semble l'accabler mais le mystère reste épais autour de la personnalité de Grace. En prison depuis dix ans, elle reçoit la visite d'un psychiatre, le docteur Jordan, qui entend percer le mystère de cette affaire. Il va chercher à la faire sortir de son amnésie par tout les moyens. Mais très vite le doute s'installe. Pourquoi Grace cache ses rêves au docteur ? Est-elle une victime ou une terrible manipulatrice ? Jusque bout la suspicion plane. L'autrice s'inspire pour son récit d'un fait divers du 19ème siècle et insère entre chaque partie des articles de journaux de l'époque ou des extraits des témoignages recueillis durant le procès.
Une prison ne se contente pas d’enfermer ses détenus à l’intérieur de ses murs, elle empêche le reste du monde d’avoir accès à son univers. Pour Grace, la prison la plus sûre, c’est celle qu’elle s’est construite.
Ayant lu deux dystopies de l'autrice au style d'écriture assez proche, j'ai été très surprise par celui employé dans ce roman. C'est complétement différent. Il s'agit ici d'un roman historique qui prend place au 19ème siècle et l'écriture s'en ressent. On plonge dans une ambiance à la Dowtown Abbey mais en bien plus sombre. J'ai pris beaucoup de plaisir à suivre le parcours de Grace dans les divers familles qui l’emploient. Elle prend le temps de nous conter les meurs des domestiques et les habitudes de chacun. Elle s’attarde sur les événements marquants de sa vie mais aussi sur les menus détails.
Au fil du récit de ses travaux quotidiens, Grace apparait comme une jeune femme appliquée et posée. Elle s'éloigne du l'imaginaire de la meurtrière. Mais on ne peut s’empêcher de questionner son honnête et de s’interroger sur l’insondable en elle. Sommes nous en train de nous faire berner ? Le récit nous est donné parfois par Grace et parfois par le docteur Jordan. L'écriture est pour chacun des personnages légèrement différente. Cela nous permet d'être omniscient et de comprendre les émotions et les troubles qui les traversent. Le temps du récit varie aussi entre le passé et le présent. Les rêves se mêlent à la narration, comme des clefs de lecture des personnages. Régulièrement le récit avance grâce à des lettres qu'envoie ou que reçois le docteur Jordan. Il y a eu quelques longueurs je trouve, mais je ne pouvais pas m’empêcher de penser que c'était volontaire. Ne cherchait-on pas à nous endormir, à mettre notre vigilance en veille ?
L'esprit songe-t-il, ressemble à une maison - les pensées que les propriétaires n'ont plus envie d'exposer ou celles qui suscitent des souvenirs douloureux sont bannies de la vue et consignées au grenier ou à la cave ; et, dans l'oubli, comme dans la mise à distance de meubles cassés, il y a assurément une part de volonté à l’œuvre.
La psychologie des personnages, même secondaires, est extrêmement bien décrite. L'autrice n’hésite pas à aller dans ce qu'il y a de plus sombre en eux. Personne n'est épargné et le basculement vers la folie semblent pouvoir en menacer plus d'un.
J'ai particulièrement aimé la fin qui nous laisse le soin de tirer nos propres conclusions et qui n'offre pas de réponse parfaite. L'intrigue continu donc à tourner encore un moment en nous et Grace nous hante quelques peu. C'est un formidable personnage de fiction et un très bon roman. Je pense regarder la série sur Netflix pendant les vacances même si j'en ai entendu des avis mitigés.