Gérard déborde

Le travail est aujourd’hui l’un des champs les plus pollués par des idées simplistes. Sans nous en rendre compte, nous baignons tous plus ou moins dans le magma des J.T. et de BFM Business : oui, les employeurs subissent trop de charges, non, il n’y a pas assez de travail pour tout le monde ...

C’est ce tissu de bêtises que Gérard Filoche entreprend de détricoter, ici en prenant pour point de départ son expérience concrète d’inspecteur du travail : avant de ratiociner sur le travail, mieux vaut plonger le nez dans le quotidien des entreprises. C’est patrons fraudeurs, salariés exploités, droits piétinés. Plus que tout, Gérard Filoche pointe du droit notre étrange paradoxe : ce droit qui est censé nous protéger tous, ce sont les exploités qui le condamnent en premier. C’est l’ouvrier licencié qui admet que c’est la crise, ma bonne dame, l’entreprise ne pouvait pas faire autrement.

Alors évidemment il y a une arnaque dans le titre : ce ne sont pas ‘‘juste’’ des carnets d’un inspecteur du travail. On trouve aussi une histoire du syndicalisme, un réquisitoire contre le gouvernement Raffarin, un plaidoyer pour l’Organisation Internationale du Travail (OIT), une critique juridique sur la fragilisation de l’ordre public social, et une dénonciation du lobby Medef derrière les réformes depuis 2002. Bref, c’est un livre de Gérard Filoche, indigné et intelligent, qui déborde son propos pour souligner qu’à petit feu, c’est le progrès social qu’on assassine.