Si je devais résumer mon impression générale, ce serait simple: David Mitchell est un génie. Voilà, ça, c'est dit, on peut passer à la suite.

Ce roman est absolument magistral. Il se compose de six histoires qui s'entremêlent discrètement, et qui ont chacune leur caractère, leurs personnages et surtout leur style propre. C'est éblouissant de talent, vraiment. On perçoit à peine l'auteur tant il se fond dans les particularités exigées par chaque époque, et parvient à donner une identité forte et unique à chaque partie. Honnêtement on m'aurait dit qu'il s'agissait d'un écrivain différent pour chaque chapitre, je l'aurais cru aveuglément. On a affaire à un véritable caméléon stylistique.

Il est pourtant déconcertant au premier abord: on quitte brusquement chaque personnage, parfois en plein milieu d'une phrase, pour se retrouver précipité quelques dizaines d'années plus tard. On ne comprend pas les liens, s'ils existent. Ces gens n'ont aucun rapport en apparence, on passe de l'aventure à la science-fiction... Pourtant il existe un fil ténu qui lie délicatement ces morceaux d'histoire.

La construction est originale: les récits s'imbriquent les uns dans les autres, telles des poupées russes. Après une première partie consacrée à la découverte de chaque univers, et le récit central, pivot du propos de l'auteur, la deuxième partie est faite de retrouvailles. On n'est plus en terrain inconnu, et l'envie de savoir ce que chacun est devenu fait de cette dernière moitié un page-turner efficace. Car peu importe, au fond, qu'Ewing soit naïf, Frobisher imbu de lui-même, Cavendish aigri... malgré leurs innombrables défauts, on s'attache à eux. Mitchell ne nous présente pas de héros lisses et idéalisés, mais des êtres humains, pétris de doutes et de contradictions, terriblement réalistes, auxquels on s'identifie facilement.

Ajoutez à cela une fameuse louche de créativité (l'incroyable récit de Sonmi m'a bluffée, tant par ses néologismes que par la richesse de son univers) et une morale bien amenée, et vous aurez compris qu'il ne faut décidément pas rater ce roman!

A titre personnel, le récit qui m'a le moins touchée est celui de Cavendish, qui manquait de profondeur par rapport aux autres protagonistes. En revanche, j'achète tout de suite une série de romans consacrés à Sonmi!

Je tiens également à souligner le travail du traducteur, qui a dû s'arracher les cheveux plus d'une fois. A sa place, je serais sans doute partie m'acheter une corde. Enorme boulot, magnifique résultat. Big-up à toi, Manuel Berri, tu m'as bluffée.
Aelyse
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lus en 2013

Créée

le 6 juin 2013

Critique lue 257 fois

Aelyse

Écrit par

Critique lue 257 fois

D'autres avis sur Cartographie des nuages

Cartographie des nuages
Gustavo
8

Critique de Cartographie des nuages par Gustavo

Après une bande annonce des plus alléchante, je me suis lancé dans la lecture de Cartographie des nuages, j'en suis sorti ébahi. Voilà pourquoi : Mitchell, nous fait voyager à travers des époques et...

le 7 nov. 2012

22 j'aime

2

Cartographie des nuages
Amrit
7

Palingénésie universelle

Il fallait que je lise le livre avant de voir le film. Les images, le pitch, l'ambition démesurée de six histoires connectant d'innombrables personnages à travers l'espace et le temps... exactement...

le 8 nov. 2012

20 j'aime

6

Cartographie des nuages
2goldfish
3

Critique de Cartographie des nuages par 2goldfish

Vendu comme une sorte de Manuscrit Trouvé à Saragosse post-moderne, La Cartographie des Nuages souffre vraiment de sa réputation de "chef d'oeuvre", qui fait qu'on ne s'attend pas vraiment à lire...

le 7 févr. 2013

17 j'aime

4

Du même critique

Beloved
Aelyse
9

Critique de Beloved par Aelyse

Il s'agissait pour moi d'une relecture, et j'ai été sidérée de voir tout ce que j'avais loupé la première fois! Ca ne m'avait pas empêché de l'adorer, c'est donc clairement un bon point: on peut le...

le 21 juil. 2013

18 j'aime

2

Elephant
Aelyse
9

Tellement plus que Seven Nation Army!

Ce n'est pas que l'album de "Seven Nation Army" (dont on nous a rebattus les oreilles, notamment avec des mecs bourrés beuglant LA LA LAAAAAA dans des stades, ou de mauvaises reprises). C'est aussi...

le 22 déc. 2011

16 j'aime

La Voleuse de livres
Aelyse
8

Simplement humain

Peut-être que j'en attendais trop. J'ai été séduite immédiatement par l'idée d'employer la Mort comme narratrice, et par la construction maîtrisée du roman: j'adore quand l'auteur me prend par la...

le 11 mai 2013

14 j'aime