Casino Royale
7
Casino Royale

livre de Ian Fleming (1953)

Avant tout, il faut préciser que le James Bond littéraire et le James Bond cinématographique sont très différents et doivent le rester sur ce qui est de la psyché.
Physiquement, ils sont proches: Blancs aux cheveux noirs (oui, Daniel, complètement noirs !) coupés courts (oui, Pierce, on a dit toujours courts !), aux yeux bleus (Ah, ces écossais! Jamais comme les autres !). Manque la balafre qui ravagerait sérieusement le glamour de l'agent secret.


Ainsi que le symbole russe gravé sur sa main.


Physiquement, il doit ressembler un à Hoagy Carmichael ou au dessin fait par Fleming et un ami dessinateur: 1) Timothy Dalton, 2) Sean Connery, 3 George Lazenby, 4) Daniel Craig, 5) Pierce Brosnan et Roger Moore.


Le roman Casino Royale donne à voir un autre monde, celui des années 50, où le groupe à la mode est celui des Compagnons de la chanson.
Le Chiffre dirige un des mythes les moins connus de l'espionnage, une cinquième colonne communiste, ennemie de l'intérieur à la solde du SMERSH.
Bond pense que les femmes n'ont leur place qu'à la cuisine, Mathis que les ennemis de la nation, bons ou mauvais, sont des ennemis.
Un tableau authentique d'époque qui est en même temps une des plus belles caricatures grinçantes de ce jadis.


Plus intemporel, la peinture des êtres et des différents acteurs de l'intrigue, dressée à coups de métaphores animalières d'un acide et d'une poésie jouissifs. Autour d'une table de baccarat, une pieuvre, un crabe et un lévrier s'affrontent. Les animaux se métamorphosent en animaux et jamais les humains ne deviennent humains. On ne peut que penser aux célèbres tableaux de Cash Collidge d'une esthétique toute similaire.
Un hommage à la culture française (chansons, mots en français dans le texte) parfume l'atmosphère fébrile et glaciale du Casino Royale, des sentiments sont prêtés aux cartes


(on apprend par exemple que le 9 de coeur signifie "un murmure d'amour, un murmure de haine".)


Un jeu s'instaure entre l'auteur et le lecteur, jeu qui sera repris dans les films.
Chaque chapitre annonce dans son titre une citation du texte à venir. De même, le titre des films est en général présent dans un dialogue ou une action écrite/visuelle.


Reste en mémoire cette terrible scène de torture, sombre à souhait et presque épique


Le Chiffre devenant un cyclope à trois yeux!


On regrettera les excellents hommes de mains du Chiffre, Basil et le Corse, totalement oubliés par les trois adaptations cinématographiques du livre.


Pour ce qui est des regrets, la fin du roman apparaît comme une longueur s'achevant de façon assez brutale. Erreur corrigée par le téléfilm de 1953 et accentuée par les deux autres adaptations cinématographiques (le pompon revenant à celui de Campbell qui raconte l'avant partie de cartes, la partie de cartes, l'après partie de cartes, fourrant dans une aventure trois intrigue d'un coup!)


Autre doléance, la bêtise énervante de James Bond!
Capable d'un relativisme des points de vue, il s'enferme dans le manichéisme de Mathis face à l'exemple de Vesper qui, au contraire, aurait dû l'inviter à plus de clarté d'esprit!
Et bien avant, dans une scène de repas aux chandelles, Vesper a cette belle phrase: "Les gens sont comme des îles, ils ne se touchent jamais vraiment. Aussi proches qu'ils soient, quelque chose les sépare." Par cette phrase, elle tente de lui faire comprendre la situation dans laquelle elle se trouve. James Bond se demande si elle n'a pas le vin triste et désespère de pouvoir coucher avec elle le soir même.


Casino Royale est un livre pour comprendre le personnage de James Bond, comprendre comment le cinéma s'en est emparé et comprendre la stérilité du débat: James Bond noir, James Bond gay?
Et surtout, c'est une plongée dans un monde proche du notre et pourtant rendu si différent par le temps, les idées, la vision de Fleming, qui abrite un succulent bestiaire humain.
Casino Royale est une oeuvre littéraire qui s'ignore.

Créée

le 22 nov. 2015

Critique lue 660 fois

1 j'aime

Frenhofer

Écrit par

Critique lue 660 fois

1

D'autres avis sur Casino Royale

Casino Royale
Renauds
7

Ah il est comme ça alors Bond ?

Je suis un hérétique, jusqu'à il y a peu, je n'avais vu (et adoré)(bon à part ceux avec Daniel Craig) que les films de James Bond . Et du coup j'avais une image bien différente de ce que j'ai pu...

le 19 mai 2010

4 j'aime

2

Casino Royale
AMCHI
3

Des débuts littéraires médiocres pour Bond

L'intrigue n'a rien de passionnant et elle est même très limitée, l'écriture de Fleming est passe-partout (j'ai lu des SAS plus agréables) ; il y a bien quelques idées mais ce roman d'espionnage est...

le 2 févr. 2013

3 j'aime

2

Casino Royale
Frenhofer
8

Dogs playing poker

Avant tout, il faut préciser que le James Bond littéraire et le James Bond cinématographique sont très différents et doivent le rester sur ce qui est de la psyché. Physiquement, ils sont proches:...

le 22 nov. 2015

1 j'aime

Du même critique

Les Tontons flingueurs
Frenhofer
10

Un sacré bourre-pif!

Nous connaissons tous, même de loin, les Lautner, Audiard et leur valse de vedettes habituelles. Tout univers a sa bible, son opus ultime, inégalable. On a longtemps retenu le film fou furieux qui...

le 22 août 2014

43 j'aime

16

Full Metal Jacket
Frenhofer
5

Un excellent court-métrage noyé dans un long-métrage inutile.

Full Metal Jacket est le fils raté, à mon sens, du Dr Folamour. Si je reste très mitigé quant à ce film, c'est surtout parce qu'il est indéniablement trop long. Trop long car son début est excellent;...

le 5 déc. 2015

35 j'aime

2

Le Misanthrope
Frenhofer
10

"J'accuse les Hommes d'être bêtes et méchants, de ne pas être des Hommes tout simplement" M. Sardou

On rit avec Molière des radins, des curés, des cocus, des hypocondriaques, des pédants et l'on rit car le grand Jean-Baptiste Poquelin raille des caractères, des personnes en particulier dont on ne...

le 30 juin 2015

29 j'aime

10